Entretien

Arnaud Olivieux, expert en art contemporain et spécialiste en art graffiti chez Artcurial, Paris

« Le graffiti”¯: un nouveau segment du marché »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 25 juillet 2007 - 638 mots

L’art graffiti est sur le devant de la scène pour la deuxième fois à Paris chez Artcurial. Est-ce un phénomène nouveau ?
Le marché s’étend depuis 2-3 ans du côté des professionnels comme des collectionneurs. Cela démarre peu à peu en ventes publiques. Entre 2003 et 2005, quelques œuvres de Jonone, graffeur américain installé en France depuis 1987, se sont vendues à Drouot entre 1 000 et 3 000 euros. Notre première tentative chez Artcurial remonte à la vente du 30 octobre 2006, dans laquelle nous proposions une petite section d’une quinzaine d’œuvres graffiti. Plusieurs œuvres provenant d’une collection monégasque avaient été achetées à Monaco dans les années 1980 à la galerie Willem Speerstra qui représentait la Old School, c’est-à-dire les premières générations de graffeurs new-yorkais des années 1970 s’exprimant sur les murs de Harlem et du Bronx et dans les stations de métro. Il y a eu un véritable intérêt pendant la vente. Un tableau de 1989 par Crash – l’un des pionniers du genre – estimé 2 500 euros, est monté à 13 600 euros. Une toile de 1992 par Jonone est partie à 6 200 euros. On s’est alors dit qu’il y avait un petit marché.

Quel bilan tirez-vous de la vente du 6 juin ?
La section d’art graffiti et post-graffiti, étendue à une vingtaine de pièces et à de nouveaux artistes graffeurs, a confirmé la tendance, soit l’émergence d’un nouveau segment du marché de l’art contemporain. Les peintures à la bombe aérosol les plus importantes ont été acquises par un collectionneur américain, à l’instar de Balle de match, Hôpital Éphémère (1993) de Jonone et Bar code (1983) par Futura 2000, adjugées 24 800 et 23 500 euros, deux records mondiaux pour ces graffeurs. 4 700 euros ont été obtenus pour Jam Master Jay (2004), triptyque du Français Alex Mac. Module (2003) de l’Allemand Seak a atteint 4 300 euros. Ces deux peintures sont restées en France.

A-t-on également observé un engouement pour l’art graffiti dans les ventes publiques anglo-saxonnes ?
En Angleterre, Banksy, pochoiriste de Bristol, est devenu en peu de temps une vraie star des ventes publiques. En juin 2006, une de ses œuvres, proposée dans une petite vente londonienne, a fait 21 000 livres (31 000 euros). Quatre mois plus tard, une autre pièce s’est envolée au record de 57 600 livres (85 000 euros) dans une vente moyenne, toujours à Londres chez Sotheby’s. La maison de ventes a offert le 21 juin, dans sa vente de prestige d’art contemporain, une œuvre de 2006 de Banksy sur une estimation de 70 000 à 100 000 livres (103 000 à 147 000 euros).

Que nous réserve la prochaine vente d’art graffiti chez Artcurial ?
Le prochain rendez-vous est fixé en décembre 2007. J’aimerais présenter une section plus fournie de graffeurs français, à l’exemple d’Alex Mac, Darco et Hondo que nous avons introduits dans la vente du 6 juin. Le succès de nos ventes prédit le développement rapide de l’art graffiti. Je pense qu’à terme, on viendra à mettre de l’art graffiti dans nos vacations d’art contemporain de prestige. Avec Jonone par exemple, on peut s’attendre à un même phénomène que pour Banksy.

Les artistes graffeurs sont-ils bien référencés dans des galeries ?
Oui, plusieurs galeries sont d’ailleurs spécialisées en art graffiti et post-graffiti. Alex Mac est exposé à la Taxie Gallery qui est une galerie française nomade, itinérante sur le territoire français. Toute aussi spécialisée est la galerie Onega, récemment installée rue Mazarine à Paris, qui montre notamment Jonone, Darco et RCF1. La galerie agnès b. a organisé des expositions importantes à Paris comme « Graffs » en 2001 où étaient montrés Futura 2000, Jonone, L’Atlas, Fafi, les Bad Boy Crew… On trouve encore Miss Van, Dalek, Shepard Fairey-Obey et Mike Giant à la galerie parisienne Magda Danysz. Et la galerie Willem Speerstra, basée en Suisse depuis 2007 à Bursins (entre Genève et Lausanne), dédie une grande partie de son espace aux icônes de la Old School du graffiti new-yorkais et à l’art post-graffiti.

En tant que commissaire-priseur diplômé, avez-vous déjà tenu le marteau pour Artcurial ?
Non, mais c’est l’un de mes objectifs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : Arnaud Olivieux, expert en art contemporain et spécialiste en art graffiti chez Artcurial, Paris

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