Art contemporain

Stéphane Thidet  : « L’espace est d’abord affaire de Terriens »

Par Stéphanie Lemoine · L'ŒIL

Le 26 novembre 2024 - 512 mots

Avec l’Observatoire de l’espace, Stéphane Thidet a lancé, début novembre, une machine en orbite. Sa mission : composer une partition à partir de données enregistrées dans l’espace.

Vous travaillez avec l’Observatoire de l’espace à un projet « d’expérience musicale dans l’espace » : « Oscar ». De quoi il s’agit ?

Oscar est une sorte de compositeur conçu pour écrire dans l’espace une partition pour piano et synthétiseur modulaire. Ce projet se déroule en plusieurs étapes. J’ai d’abord travaillé en collaboration avec le Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques (LISA) et le Centre national d’études spatiales (CNES), qui développent « IR-COASTER », une machine permettant d’observer pendant un an l’évolution de cellules vivantes en milieu spatial. J’ai été invité à me greffer sur cette expérience et nous avons réalisé un objet programmé pour réagir à divers phénomènes en orbite, tels que l’altimétrie, les UV, la lumière, la température… Mis en orbite début novembre, Oscar va convertir ces données en notes pendant son séjour d’un an à bord de la station spatiale internationale (ISS) .

À quelles déclinaisons cette partition spatiale donnera-t-elle lieu sur Terre ?

Je me suis douté dès le départ qu’Oscar serait un projet très long. Pour ne pas imaginer une forme prédéfinie alors que son actualisation demanderait peut-être plusieurs années, j’ai opté pour la partition, qui donne des lignes d’instruction tout en ménageant une grande liberté. Néanmoins, j’ai déjà plusieurs envies. J’envisage une installation avec un piano et un synthétiseur qui puissent jouer l’entièreté de la partition, mais aussi un concert interprété par des pianistes, pour revenir à l’humain. J’aimerais que la partie technologique d’Oscar finisse par s’effacer, car l’espace est d’abord une affaire de Terriens. Il y aura peut-être aussi un disque enregistré à partir de séquences choisies. À ce stade, même si j’ai travaillé de nombreux mois avec Julien Thomas, musicien et informaticien, pour créer un programme capable de brider l’aléatoire et de donner une direction musicale à Oscar, je ne saurais dire s’il y aura un travail de réécriture ou si l’on pourra exploiter la forme brute.

Certaines de vos pièces, comme D’un soleil à l’autre ou From Walden to Space abordaient déjà l’espace. Pour quelles raisons ce milieu vous intéresse-t-il ?

Mes premières approches de l’espace se situaient dans une sorte d’utopie, un horizon fantasmé. La question du lointain et des façons de le rendre plus proche m’intéressait mais, finalement, j’utilisais des éléments matériels et il y avait quelque chose de très terrien dans ces œuvres. Avec Oscar, c’est différent car le projet s’écrit réellement dans l’espace, avec tout ce que cela suppose de non-maîtrise. J’ai donc voulu travailler avec l’immatériel, d’où le choix de la musique. De plus, l’espace m’a paru d’emblée caractérisé par la question des cycles, de l’orbite : leur répétition, à la façon d’un refrain entêtant, m’a amené vers la musique, plus que la question du vide et du lointain.

L’artiste Stéphane Thidet (né en 1974) est diplômé de l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris (2002) et de l’École supérieure des beaux-arts de Rouen (1996). Il est représenté par la Galerie Aline Vidal à Paris et Laurence Bernard à Genève.www.stephanethidet.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°781 du 1 décembre 2024, avec le titre suivant : L’espace est d’abord affaire de Terriens

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