PARIS
Fermé pour raison de sécurité en 2004, le Musée national Ernest Hébert fait enfin l’objet d’un nouveau projet scientifique et culturel. Placé sous la tutelle du Musée d’Orsay, l’édifice de la rue du Cherche-Midi, à Paris, nécessite d’importants travaux de consolidation avant de pouvoir rouvrir au public. Le financement de l’opération reste à déterminer.
PARIS - Les habitants du 6e arrondissement de Paris résidant aux alentours de la rue du Cherche-Midi, s’émeuvent depuis quelques années déjà devant l’air crasseux du Musée national Ernest Hébert. Ouvert au public en 1978, l’hôtel particulier du XVIIIe siècle, dont la façade est inscrite aux Monuments historiques, semble laissé à l’abandon depuis sa fermeture le 1er octobre 2004. Le musée venait alors d’être rattaché au Musée d’Orsay, lequel achevait sa mue en établissement public. Le bâtiment ne correspondant pas aux normes d’accueil en termes d’hygiène et de sécurité, sa fermeture a été décidée en attendant un nouveau projet scientifique et culturel. Plus de sept ans plus tard, des filets couvrent toujours la façade de l’édifice vidé de ses collections. Des affiches annonçant l’inauguration du « Nouvel Orsay » ont été dressées derrière les fenêtres à barreaux. Rien ne l’indique, mais les coulisses du Musée d’Orsay et du ministère de la Culture s’activent enfin pour faire revivre l’hôtel particulier. Il y a quelques semaines, les équipes d’Orsay ont présenté une nouvelle mouture dudit projet scientifique et culturel à la Commission scientifique des Musées nationaux, conseil dépendant du Service des Musées de France. Un projet qui, entre autres, ouvrirait le musée à la photographie ancienne.
Né à Grenoble en 1817, Ernest Hébert est l’archétype de l’artiste bourgeois tombé sous le charme de l’Italie, à la faveur du Grand Prix de Rome qui lui a ouvert les portes de la Villa Médicis pendant cinq ans. Nommé directeur de l’Académie de France en 1867, le peintre s’est fait une spécialité des œuvres religieuses et des portraits mondains. S’il a passé une trentaine d’années de sa vie à Rome, il est revenu régulièrement à Paris – où il a exécuté une décoration pour l’église du Panthéon – et à La Tronche (Isère) où résidait sa mère. À sa mort en 1908, sa veuve Gabrielle d’Uckermann se console du décès de sa fille mort-née et adopte un fils, René Patris. Celui-ci finit par hériter de la propriété familiale de La Tronche et décide, de son vivant, d’en faire don au Conseil général de l’Isère en 1978. Un an plus tard, la demeure transformée rouvrait ses portes sous la forme du Musée départemental Hébert. À Paris, René Patris d’Uckermann fait également don à la Réunion des musées nationaux (RMN) de l’hôtel particulier Montmorency-Bours, rue du Cherche-Midi, qu’il avait acquis pour y résider en 1941. Les collections (peintures, sculptures, photographies, arts graphiques, et archives) sont, elles, confiées à l’État. L’année suivante est inauguré le Musée national Ernest Hébert. Jusqu’en 2004, le musée parisien abritait un florilège des œuvres du Romain d’adoption et vivotait en accueillant moins de 4 000 visiteurs par an. C’est alors qu’il passe sous la coupe du Musée d’Orsay et que la RMN, en qualité de propriétaire, demande sa fermeture. La directrice des lieux, Isabelle Julia, ainsi qu’un autre employé d’Orsay, occupent toujours les deux logements de fonction de l’hôtel particulier et assurent le gardiennage. La douzaine de petits logements locatifs se vide peu à peu de ses occupants qui ne sont pas remplacés. La collection est répartie entre le Musée de La Tronche, une salle dédiée à Hébert au sein de l’ancienne gare d’Orsay et les réserves du musée. Des expositions « hors-les-murs » sont également organisées à un rythme régulier, pour lesquelles des interventions ponctuelles de restauration sont opérées.
Un audit coûteux
Dès 2006, le récolement des collections est entrepris, notamment celle des photographies anciennes qui, outre les nombreux clichés personnels pris par l’épouse du peintre, comprend quelques portraits signés Gustave Le Gray ou Nadar. Un projet scientifique et culturel est élaboré, une étude de faisabilité est lancée, mais le verdict de l’OPPIC (Opérateur du Patrimoine et des Projets Immobiliers de la Culture, alors dénommé EMOC, Établissement public de Maîtrise d’Ouvrage des travaux Culturels) s’avère coûteux : 10 millions d’euros de travaux, et une centaine de milliers d’euros par an de frais de fonctionnement. Comme l’a révélé, il y a un an, le rapport de la Cour des comptes sur les Musées nationaux (lire le JdA n° 344, 1er avril 2011), le président d’Orsay, Serge Lemoine a alors demandé la fermeture définitive du musée et proposé la division de la collection entre Paris et La Tronche. Proposition refusée par le ministère de la Culture, qui a encouragé son successeur Guy Cogeval, arrivé en janvier 2008, à revoir sa copie. Sept ans et demi après la fermeture, la rue du Cherche-Midi ne voit toujours rien venir. L’avenir du musée revient régulièrement à l’ordre du jour de réunions d’information du quartier Saint-Placide et la réponse de la mairie du 6e arrondissement est toujours la même : le musée est en cours de redéfinition. Peu après la prise de fonctions du nouveau président d’Orsay, le maire Jean-Pierre Lecoq s’est entretenu avec Guy Cogeval, lequel lui a réaffirmé « sa volonté de moderniser le Musée Hébert et – tout en y laissant une salle dédiée à Hébert en raison de la donation faite à l’État par la famille Hébert-d’Uckermann – de consacrer une partie importante des surfaces à la présentation du fond photographique d’Orsay ». Interpellé sur le sujet par les résidents lors d’une nouvelle réunion de quartier le 21 mars dernier, Jean-Pierre Lecoq a adressé dans la foulée une lettre à Marie-Christine Labourdette, directrice du service des Musées de France, dans laquelle il rappelle les promesses d’Orsay formulées quatre ans plus tôt. Ce que le maire ne sait pas au moment de rédiger son courrier, c’est que les équipes d’Orsay présentaient quelques semaines auparavant le fameux nouveau projet scientifique et culturel pour le Musée Hébert. Avant d’être adopté de manière définitive, le projet doit passer une seconde fois devant la Commission scientifique des Musées nationaux d’ici le mois de juin, et enfin devant le conseil d’administration du Musée d’Orsay.
Une rénovation complexe
Particulièrement souples, les termes de la donation d’Uckermann allouent une grande marge de manœuvre muséographique. Le projet ouvre un espace important consacré à Hébert, auquel s’ajoutent deux pistes de réflexion. La première est donc la valorisation des collections graphiques (qui incluent la photographie) du Musée Hébert, comme du prestigieux fonds photographique d’Orsay qui n’a que peu d’occasion d’être montré. La seconde pense, en guise de thème fédérateur et déclinable à souhait, à l’Italie et son influence sur l’art français du XIXe siècle. Contrairement au Musée de La Tronche, l’hôtel particulier n’est pas la maison du peintre. Aussi faut-il trouver d’autres arguments pour viser plusieurs dizaines de milliers de visiteurs annuels, explique Thierry Gausseron, administrateur général d’Orsay. Or, le contenu scientifique n’est pas celui qui pose le plus de soucis. L’hôtel particulier étant un amalgame complexe de trois immeubles, les espaces du musée sont imbriqués aux surfaces d’habitation, et l’ensemble est pour le moins difficile à naviguer, a fortiori à réhabiliter. Outre un réseau électrique vétuste, les planchers des étages se désolidarisent des façades. Aussi le gros œuvre (ascenseur, accès handicapé…) constituera-t-il la part la plus importante des travaux. « Avec les ambitions d’Orsay en termes d’éclairage, d’accueil du public et éventuellement en ateliers pédagogiques », ajoute Thierry Gausseron, la facture va logiquement s’alourdir par rapport à l’estimation de 2008, pour avoisiner les 15 millions d’euros. La directrice des lieux, Isabelle Julia, partant à la retraite le 25 mai, Orsay espère lui trouver un remplaçant qui sera capable d’endosser le rôle de chef de projet pour suivre le réaménagement.
En quête de financements
Reste l’épineuse question du financement. En 2010, le « plan musées en régions » de Frédéric Mitterrand prévoyait d’allouer 3 millions au Musée Hébert (sur la base de l’estimation de 2008), avec lesquels Orsay souhaiterait entre autres financer la fin de l’étude de faisabilité menée par l’OPPIC et lancer le marché public pour la réhabilitation (prévue sur au moins 24 mois). À la suite d’une réunion de travail le 11 avril, rue de Valois, le ministère se dit prêt à revoir cette somme à la hausse, à l’aune des conclusions de l’OPPIC. L’idée d’installer un café « tendance » pour en dégager des revenus est tombée à l’eau, au vu de l’impraticabilité des lieux. Les caisses d’Orsay étant mobilisées sur les travaux de ses nouvelles salles pour les trois ans à venir, l’investissement de l’État se révèle indispensable. Qu’un mécène soit suffisamment séduit pour prendre en charge le tiers du budget relève en effet de l’utopie. D’autant que, sous réserves de l’accord juridique des ayants droit d’Uckermann, un transfert de gestion est programmé : en tant que propriétaire, la RMN garderait la responsabilité des lieux et le pouvoir décisionnaire, tandis qu’Orsay userait du bâtiment à sa guise, sous réserves d’en payer toutes les charges, et donc les travaux. Les versements (et à parts égales avec le Musée de La Tronche) de la Fondation René Patris d’Uckermann permettent chaque année de financer des acquisitions, mais rien de plus. Parmi les solutions imaginables, un partenariat public-privé, ou un morcellement de la campagne de travaux. La partie promet d’être serrée.
Les musées Hébert à Paris et à La Tronche
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Un nouveau projet pour le Musée Hébert
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°368 du 27 avril 2012, avec le titre suivant : Un nouveau projet pour le Musée Hébert