Les intéressantes créations de la seconde moitié du XIXe siècle demeurent une niche de collection encore trop mésestimée.
Si le XVIIIe siècle correspond à l’âge d’or du mobilier français, le XIXe est injustement déconsidéré. « Le mobilier XVIIIe est traditionnellement rattaché à une élite, tandis que l’étiquette XIXe fait nouveau riche », constate avec regret François Lachaud, expert en mobilier français des XVIIIe et XIXe siècles. Il existe pourtant un mobilier de création de la moitié du XIXe siècle que l’on redécouvre depuis peu. En effet, les créateurs de l’époque ont succombé aux charmes des arts de l’Extrême-Orient – le Japon en tête – et s’en sont inspirés pour renouveler complètement leur répertoire décoratif, autant dans la forme que dans l’ornement. « L’aristocratie de l’époque s’est fait le vecteur de ce nouveau goût », rappelle François Lachaud. Citons d’abord Édouard Lièvre, dont le nom est synonyme de signature la plus cotée du marché : ses meubles extraordinaires atteignent facilement le million d’euros. Son marché n’est cependant pas parvenu à maturité. Est également apprécié Gabriel Viardot, connu comme un grand illustrateur du « japonisme ». Célèbre marchand-éditeur du XIXe siècle, l’Escalier de Cristal a apporté sa contribution à l’histoire du mobilier exotique.
Une période toujours à déchiffrer
Un cabinet japonisant en forme de pagode reposant sur un piétement à cinq pieds, orné de dragons en bronze ciselé et doré s’enroulant autour de colonnes, provenant de l’Escalier de Cristal, s’est envolé à 2,25 millions d’euros le 4 décembre 2008 à Londres, chez Bonham’s, soit un record pour un meuble français du XIXe siècle. Sa conception, dont il existe six variantes, a été attribuée à tort à Lièvre. Des recherches ont mis en évidence qu’Henry Pannier, dessinateur et créateur de modèles pour l’Escalier de Cristal, en était l’auteur. La confusion vient en partie du fait que Lièvre a également conçu un meuble japonisant à deux corps en forme de pagode, dont une célèbre version se trouve, à Paris, au Musée d’Orsay. Preuve que la période n’a pas encore été correctement défrichée. Citons encore la maison Christofle qui a pleinement surfé sur la vague du sino-japonisme sous l’impulsion du décorateur Émile Reiber.
Le décorateur François-Joseph Graf s’intéresse à ce domaine depuis une quinzaine d’années et le recommande à une clientèle prestigieuse. Pour lui, « c’est un marché sous-coté qui n’est pas officialisé par des grands clients chez des grands antiquaires ». Il est vrai que ce marché est trop timidement défendu par les professionnels. L’un des précurseurs a été le Parisien Jean-Marie Rossi (galerie Aveline). Il avait, par exemple, acquis en 1977 le fameux cabinet japonisant de Lièvre avant qu’il n’entre au Musée d’Orsay en 1981. Le marchand parisien François Fabius n’hésitait pas non plus à montrer ce type de mobilier. Il fut rejoint, en 2004 à la Biennale des antiquaires, par Roxane Rodriguez qui présenta un stand entièrement consacré aux créations de cette période. Mais la très courte carrière d’antiquaire de Rodriguez (elle est aujourd’hui décoratrice) stoppa ce travail de réhabilitation.
Tout en se revendiquant marchand du XVIIIe, la galerie Didier Aaron n’est pas insensible au mobilier de création de la seconde moitié du XIXe. Depuis six ans, la galerie parisienne monte une petite antenne XIXe à la biennale, dans une fourchette de prix allant de 20 000 à 350 000 euros. Elle est même à l’origine de la redécouverte de l’œuvre de Ferdinard Duvinage, créateur très versé dans le japonisme. « C’est un mobilier décoratif qui amuse nos clients amateurs de XVIIIe tant que cela n’est pas trop onéreux », indique Bill Pallot, directeur du département mobilier de la galerie. Chez Benjamin Steinitz (Paris), qui a hérité de son père l’envie de mélanger les styles et les époques, il n’est pas rare de trouver un meuble d’influence sino-japonais. Installé au Louvre des antiquaires (Paris), Michel-Guy Chadelaud défend depuis quelques années, à sa façon, l’œuvre de Lièvre, Viardot, l’Escalier de Cristal et quelques autres, notamment par une présence marquée à la biennale.
Prix encore abordables
Signalons encore le jeune antiquaire parisien Oscar Graf (fils du décorateur François-Joseph Graf) qui, en se spécialisant dans les arts décoratifs de la fin du XIXe, est en train d’en devenir le nouvel ambassadeur. Avec des approches assez différentes, tous ces professionnels concourent à faire découvrir un mobilier de création encore mésestimé qui, pour cette raison, n’est pas encore hors de prix. Soit une excellente niche de collection.
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Le mobilier XIXe exotique à découvrir
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°352 du 9 septembre 2011, avec le titre suivant : Le mobilier XIXe exotique à découvrir