L’Aphrodite à la coquille dite Nymphe de sainte Colombe fait figure d’exception parmi les acquisitions 2010 des musées territoriaux, en dépit de sa première place sur le podium; elle ne reflète pas la tendance générale d’une année une fois de plus placée sous le signe du pragmatisme et des opportunités.
Cette Aphrodite, statue datée entre le IIe et le IIIe siècle apr. J.-C., est entrée dans les collections du Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal (Rhône) en septembre 2010.
Sur proposition de la commission consultative des trésors nationaux, l’œuvre a été acquise par l’État pour un montant de 1 050 000 euros. 500 000 euros ont été réunis par les pouvoirs publics (Conseil général du Rhône, Région Rhône-Alpes et ministère de la Culture), tandis que 550 000 euros ont été apportés par la banque Neuflize OBC, mécène de l’opération.
Cette acquisition remarquable ne doit donc pas cacher le climat morose qui entoure l’enrichissement des collections des musées en province. Depuis longtemps, les institutions territoriales savent que, en raison de budgets limités ou quasi inexistants, elles doivent recourir à des montages financiers de plus en plus complexes, croisant mécénat et subventions (lesquelles peuvent venir notamment des Fonds régionaux d’acquisition des musées, les Fram). Après une chute du mécénat culturel, déjà significative en 2009 puis vertigineuse en 2010, les musées de province doivent multiplier leurs ressources, un défi de plus à relever.
Seuls les grands musées territoriaux parviennent encore à maintenir un budget d’acquisition situé autour du demi-million d’euros. Cette année, le Musée des beaux-arts de Lille s’est illustré par deux jolis coups : un Portrait de philosophe de Luca Giordano, toile de 1654, acquis pour la somme de 280 000 euros, et un Portrait de Marguerite Élisabeth de Largillierre, par Nicolas de Largillierre, datant de 1726, acheté 220 000 euros (dont 80 000 euros issus du mécénat de Groupama).
100 000 euros en moyenne
Au Musée Fabre à Montpellier, la Communauté d’agglomération poursuit une politique d’acquisition volontariste. Ainsi, le musée a acheté, sur un budget total de 455 000 euros, une toile de Frédéric Bazille, peintre montpelliérain dont l’institution possède déjà une belle collection de peintures. Rue de village (1865), préemptée par l’État, a été emportée avec le soutien du Fram Languedoc-Roussillon chez Drouot pour un montant de 100 000 euros.
L’exceptionnelle année du Musée des beaux-arts de Rouen (700 000 euros de budget en 2010 contre 150 000 en temps ordinaire) est à porter au crédit du succès historique de l’exposition estivale « Une ville pour l’impressionnisme : Monet, Pissarro et Gauguin à Rouen », grâce à laquelle le musée rouennais a réussi à acquérir des œuvres en rapport avec le festival « Normandie impressionniste ». Rue à Coulommiers, de Camille Corot (1871), et une aquarelle de Pissarro, Rouen, la côte sainte Catherine (1883), sont ainsi entrées dans les collections publiques, contre les sommes respectives de 450 000 euros et 90 000 euros. Mais la plupart des gros musées en régions doivent composer avec une enveloppe moyenne de 100 000 euros, ce qui ne leur permet évidemment pas de viser des œuvres importantes sur le marché de l’art.
Dans leur politique d’enrichissement, les musées peuvent néanmoins compter sur un soutien de poids, leurs sociétés d’amis. Une partie significative des acquisitions reste encore issue des dons d’Amis des musées, qui participent activement à la vie des institutions et connaissent bien les collections, leurs manques ou leurs points forts, à l’image de la Société des amis de La Piscine, par l’intermédiaire de laquelle le Musée d’art et d’industrie de à Roubaix s’est enrichi d’une quinzaine d’œuvres en 2010. Entre le musée et ses acquisitions, il s’agit souvent d’une histoire de collectionneurs amateurs. Ainsi le Musée des beaux-arts de Bordeaux bénéficie-t-il depuis plusieurs années des libéralités du collectionneur bordelais Daniel Thierry, attaché à pallier les faiblesses d’une institution qu’il connaît bien, ou à en étoffer les rangs. Après l’exposition « Éloge de Bordeaux, trésors d’une collection » (décembre 2009-mars 2010), qui mettait en lumière des œuvres issues de sa collection personnelle, le musée a acquis en don plusieurs dessins exposés, parmi lesquels les quatorze stations du Chemin de croix, une série de dessins exécutés en 1860 par Joseph Felon, artiste bordelais élève de Pierre II Lacour.
Besançon et Paris
Étonnamment, il se pourrait que le grand gagnant 2010 en la matière soit le Musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon. Grâce à une donation exceptionnelle d’un amateur de Charles Lapicque (1898-1988), l’institution se retrouve à la tête de l’une des plus belles collections de dessins, lithographies et tableaux de ce peintre, acteur de l’école de Paris. Après plusieurs dons consentis depuis 1995, le musée a reçu, de la part de Norbert Ducrot-Granderye, une gouache, trois huiles sur toile (dont une très belle Annonciation de 1971), huit lithographies et une série de dessins de l’artiste. Ces donations successives lui ont permis d’organiser une grande exposition, qui se tient jusqu’au 29 août à Besançon.
Du côté des musées de la Ville de Paris, le budget alloué aux acquisitions s’est élevé à environ 950 000 euros, auquel il faut ajouter 1 million d’euros en dons, legs et libéralités. En outre, le Musée d’art moderne de la Ville de Paris (MAMVP) a reçu deux toiles du peintre allemand Albert Oehlen, FM 1 (2008), don de l’artiste estimé à 260 000 euros, et Sans titre (1989), une peinture offerte par la Société des amis du Musée, pour une valeur estimée à 160 000 euros. Pas sûr toutefois que l’ensemble des nouvelles pièces entrées dans les collections du MAMVP puisse compenser le vol commis en mai de l’année dernière (lire JdA no 326, 28 mai 2010, p. 36) des toiles de Picasso, Modigliani, Léger, Braque et Matisse.
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Quelques beaux trophées
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°348 du 27 mai 2011, avec le titre suivant : Quelques beaux trophées