À l’occasion de « 2011, l’année des outre-mer », son commissaire, Daniel Maximin, revient sur les fondements de l’événement.
Poète, romancier et essayiste guadeloupéen, Daniel Maximin a aussi été directeur des Affaires culturelles de la Guadeloupe de 1989 à 1997, puis, en 1998, président de la mission interministérielle pour la célébration nationale du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage de 1848.
JDA : Pourquoi avoir organisé maintenant cette année des outre-mer ?
Daniel Maximin : C’est parti des événements aux Antilles, des grandes grèves très longues de 2009 qui ont apporté des bouleversements au-delà de revendications précises de salaire ou du prix de l’essence. Elles ont mis en cause le fonctionnement de la société, le rapport à la métropole sur le plan institutionnel. Il a ensuite été décidé d’organiser des états généraux des outre-mer durant le reste de l’année 2009 qui ont balayé tous les domaines, sans exception. Ils ont abouti au premier conseil interministériel sur l’outre-mer qui a pris un certain nombre de décisions, dont celle d’une année des outre-mer. L’une des idées phare était : « On ne nous comprend pas bien. » Les outre-mer ont une image de paradis terrestre, des plages des Marquises jusqu’à celles des Antilles, ou alors, au contraire, de pays de cyclones, de séismes… Et j’ajoute d’autres cataclysmes historiques : l’esclavage, la colonisation, etc. Il fallait arrêter et montrer les réalités de l’outre-mer. Jamais il n’avait été question d’une année sur une région qui appartient au territoire de la République, mais c’est ce modèle qui a été retenu. L’idée est de rester dans une permanence et les manifestations sont conçues dans une logique de pérennité. De plus, ce sont les institutions qui doivent faire une place à l’outre-mer et non l’outre-mer qui doit se créer un ghetto. L’année s’est construite dans une urgence, puisqu’elle a été lancée en mai et juin 2010. Beaucoup d’institutions avaient déjà leur programmation bouclée.
Quel est l’esprit de cette année ?
D.M. : L’esprit de l’année est de montrer trois choses à l’ensemble des Français. L’outre-mer est présente dans l’histoire de la République à travers la citoyenneté. C’est important de rappeler que c’est une histoire ancienne. La Révolution française s’est faite avec la participation des colonies qui étaient totalement du côté de l’événement. En 1793 est proclamée la Déclaration universelle des droits de l’homme et, en 1794, l’abolition de l’esclavage. Sans cette dernière, la première n’aurait pas eu de caractère universel. À ce moment-là, ces territoires représentaient un tiers du PIB de la France, c’était le pétrole de l’époque. L’autre idée, c’est que les outre-mer ne se connaissent pas entre elles et c’est une priorité de changer cela. Enfin, les outre-mer sont dans la vie du monde et ne sont pas enfermées seulement dans leur territoire de nationalité française ; elles ont la volonté d’être des représentations d’elles-mêmes dans l’océan Indien, dans la Caraïbe et l’océan Pacifique. Le message est le suivant : l’outre-mer additionne. Il ne s’agit pas d’éliminer la France, ou la Caraïbe ou une dimension francophone, mais d’additionner, quelle que soit la complexité.
L’année ne va donc pas niveler les diversités.
D.M. :Non, au contraire. Il y a des points communs. Ce sont toutes des régions plurilingues. Nous allons réunir pour la première fois en décembre, en Guyane, des états généraux des langues des outre-mer qui sont au nombre de cinquante. Nous aurons peut-être également, dans quelques années, autant de statuts politiques que de territoires d’outre-mer. Nous ne sommes plus dans un jacobinisme. Enfin, on oublie aussi souvent l’aspect de la biodiversité.
Comment ont été impliqués les ultramarins dans la programmation ?
D.M. : Nous n’avons pas fait d’appel à projet. Nous recueillons des initiatives puis nous labellisons les programmes. Nous avons un budget d’incitation. Par exemple, le Musée Dapper [à Paris] organisera une exposition sur « Mascarades et carnavals ». Nous intervenons à la marge. Nous avons aussi été voir tous les festivals. La programmation est encore évolutive.
Par rapport aux autres domaines de la création, quelle est la place des arts visuels ?
D.M. : Les arts plastiques sont un cas particulier, ils ont été importés sur ces territoires. Aux Antilles, autant l’esclave a pu danser dans ses chaînes, conter, proférer, chanter, autant il n’y avait pas de culture de la sculpture, par exemple. Dieu sait si dans l’Afrique originelle, l’art était essentiel, mais le monde créole n’avait aucun accès aux arts plastiques. C’est un art qui a été amené par ceux qui venaient y peindre, et c’est la même chose d’ailleurs pour les premiers écrits. Nous avons des images de nos ports et paysages parce que des étrangers y sont venus. Il faut aussi montrer ces témoignages.
Les métropolitains auront-ils une vision plus claire de ces territoires à la fin de l’année, comme le souhaite Nicolas Sarkozy ?
D.M. : Une grande visibilité a été donnée à ces régions dès le démarrage de l’année. Cela suscite déjà une grande curiosité.
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Entretien : David Maximin, commissaire de l’Année des outre-mer
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°344 du 1 avril 2011, avec le titre suivant : Entretien : David Maximin, commissaire de l’Année des outre-mer