Pour son 150e anniversaire, le Musée des beaux-arts de Montréal s’offre de nouveaux espaces en annexant une église mitoyenne. Forte de son succès public, l’institution a réussi à monter une opération de mécénat pour mener à bien ce projet de plus de 23 millions d’euros qui comprend la restauration de l’ancien lieu de culte.
MONTRÉAL - L’anecdote est révélatrice de la singularité de l’établissement. « J’ai participé récemment à une réunion de l’association des directeurs des musées nord-américains, raconte Nathalie Bondil, directrice du Musée des beaux-arts de Montréal. Lors d’un tour de table, tout le monde a fait état de ses difficultés financières, du fait de la crise. J’étais la seule à ne pas avoir à me plaindre ! » De fait, le Musée des beaux-arts de Montréal, qui fête cette année ses 150 ans, s’appuie sur un modèle financier hybride, mi-privé mi-public. Depuis 1972 et le vote d’une loi spéciale permettant son financement par la province du Québec, le musée perçoit des subventions publiques destinées à supporter une partie de ses coûts de fonctionnement, aujourd’hui à hauteur de 45 %. Le reste provient de son autofinancement, soit un taux exceptionnel de ressources propres dû notamment à l’itinérance d’expositions temporaires aux sujets très divers. Celles-ci sont aussi un vecteur de notoriété non négligeable pour le musée : alors que l’établissement reçoit 600 000 visiteurs annuels, dont seulement 20 % de touristes – la ville compte près de 1,9 million d’habitants, agglomération comprise –, ses expositions organisées à l’étranger sont vues par plus de 900 000 personnes. « Nous avons une mission de service public mais une responsabilité privée », poursuit sa directrice, nommée en 2007 en remplacement d’un autre Français, Guy Cogeval, devenu depuis président du Musée d’Orsay. « Nous sommes plébiscités ou sanctionnés par le public et le conseil d’administration du musée. Nous sommes donc très tenus par nos résultats mais c’est un système très sain. »
Créé en 1860, ce musée est devenu au fil du temps, grâce à de nombreux dons qui lui confèrent aussi son caractère éclectique, un établissement aux collections encyclopédiques, balayant les arts de l’Antiquité à l’art canadien, en passant par l’Asie et l’Afrique. Elles comportent une importante section consacrée à l’art occidental, avec un bel ensemble d’art napoléonien. Au fil du temps, son bâtiment néoclassique, élevé en 1912 sur l’avenue Sherbrooke et devenu trop étroit, s’est agrandi de nouveaux pavillons, l’un élevé en 1976 à l’arrière du bâtiment primitif, l’autre inauguré en face en 1991 et relié aux autres espaces par un passage souterrain. Le soutien des grandes familles québécoises en a, à chaque fois, permis le financement. « Nous bénéficions d’un véritable écosystème de générosité », confirme Nathalie Bondil, qui s’est par ailleurs lancée dans une nouvelle campagne pour susciter des dons d’œuvres pour célébrer les 150 ans du musée. « Notre collection n’existe que grâce aux dons, c’est ce qui justifie la gratuité des collections permanentes. »
Plateforme privé-public
Le point d’orgue des célébrations de cet anniversaire sera l’inauguration, en septembre 2011, d’un nouveau pavillon adossé à l’église voisine Erskine and American United, sur laquelle le musée avait des vues depuis 2002. Comme la plupart des églises montréalaises, victimes de la désaffection du culte, l’église Erskine – qui conserve un ensemble de vitraux de la maison américaine Tiffany – a été vendue par la communauté religieuse qui l’occupait. Grâce à l’engagement d’un mécène, Pierre Bourgie, et via sa fondation Ars Musica, l’opération, d’un coût global de 33 millions de dollars canadiens (plus de 23 millions d’euros) dont un tiers provenant de fonds privés, a pu être bouclée.Elle a par là même sauvé l’église de l’appétit des promoteurs, sort réservé à la plupart des édifices religieux montréalais faute d’investissement de la province en faveur de ce patrimoine. La nef de l’église, en cours de restauration, accueillera une salle de spectacle de 450 places qui servira aussi à des activités liant musique et beaux-arts. L’arrière du bâtiment est quant à lui en cours de reconstruction, sous la houlette des architectes québécois Provencher Roy associés, pour accueillir un nouveau pavillon d’art canadien. L’ouverture de ces espaces permettra de redéployer l’intégralité des collections du musée, en faisant davantage de place aux collections de design. Mais de nouveaux projets verront prochainement le jour, comme la création d’un espace dédié aux enfants, cela alors que d’autres acquisitions foncières sont en cours de négociation afin de continuer à déployer les quelque 40 000 pièces de ce musée, conçu comme une « plateforme entre collections privées et publiques ».
Pavillon Claire-et-Marc-Bourgie, Pavillon Michael-et-Renata-Hornstein, Pavillon Liliane-et-David M. Stewart, Pavillon Jean-Noël-Desmarais, 1339, 1379 et 1380 Sherbrooke Ouest, Montréal (Québec), Canada, différents horaires d’ouverture selon les bâtiments, www.mbam.qc.ca
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Montréal voit grand
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°333 du 22 octobre 2010, avec le titre suivant : Montréal voit grand