C’est un Ruhlmann détendu, pêchant à la ligne non loin de sa maison de campagne de Lyons-la-Forêt (Eure), que le public pouvait découvrir l’été dernier dans un film en noir et blanc.
Ce dernier était projeté pour la première fois à la Fondation Serralves à Porto dans l’exposition « Jacques-Émile Ruhlmann et la fraternité des arts », montée avec des prêts de galeries parisiennes. La commissaire de la manifestation, Florence Camard, signe aujourd’hui une somme sur le décorateur qui paraît aux éditions Monelle Hayot (1). Après un ouvrage paru en 1983 aux éditions du Regard, l’auteur offre ici une monographie très complète sur l’architecte et décorateur phare de l’Art déco. Florence Camard s’intéresse certes à la production de Ruhlmann mais aussi à l’homme dont Paul Léon, directeur général des Beaux-arts, dira lors de ses obsèques que « sa plus belle œuvre, c’est sa vie ». Son destin est en effet hors du commun. Ce peintre en bâtiment, empêché par son père de faire des études, rencontre pendant son service militaire Pierre Patout, un architecte qui l’aidera en 1913 à construire l’Herbage, sa maison de campagne de Lyons-la-Forêt où il recevra pendant des années ses amis. À côté de son entreprise de peinture, cet autodidacte se lance dans la décoration intérieure. Sans jamais devenir lui-même ébéniste, Jacques-Émile Ruhlmann dessine des meubles, qui naissent sur le papier grâce à un excellent coup de crayon. Le livre réunit aujourd’hui un bel ensemble de ses esquisses associées aux meubles auxquels elles ont donné naissance.
En 1925, Ruhlmann participe à l’Exposition internationale des arts décoratifs avec Pierre Patout, Auguste Janniot et d’autres. Ensemble, ils construisent et décorent l’hôtel du Collectionneur, bâtiment qui sera détruit mais dont les grilles intérieures se trouvent aujourd’hui dans la maison du comte de Vizela à Porto. Cette demeure Art déco, située dans le parc de Serralves, présente l’un des rares décors intérieurs de Ruhlmann qui soit parvenu jusqu’à nous. Le visiteur peut y découvrir le raffinement des détails, comme le dessin des balustrades ou le galbe des rampes de l’escalier dessiné par l’homme pour qui « l’envers doit valoir l’endroit », selon Florence Camard. À côté des salles des fêtes et des délibérations de la chambre de commerce de Paris, avenue de Friedland, un seul autre décor de Ruhlmann subsisterait, celui d’un appartement du haut des Champs-Élysées, qui vient d’être démembré et sera proposé aux enchères à Paris chez Christie’s le 26 novembre (lire p. 23).
Le livre édité par Monelle Hayot s’achève sur un répertoire typologique du mobilier et est accompagné d’un catalogue raisonné sur cédérom. Cet ouvrage de référence permet ainsi de se plonger dans toute la production de celui dont l’auteur estime qu’« il a créé les plus beaux meubles du XXe siècle ». Quelle aurait été l’évolution de Ruhlmann si la maladie ne l’avait emporté en quelques mois en 1933 à l’âge de 54 ans ? Le décorateur n’a en tout cas pas souhaité que son entreprise lui survive.
(1) Florence Camard, Ruhlmann, éd. Monelle Hayot, 512 p., 750 ill., 130 euros, ISBN 978-2-903824-66-2
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Une biographie de J.-Émile Ruhlmann par Florence Camard
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°313 du 13 novembre 2009, avec le titre suivant : Une biographie de J.-Émile Ruhlmann par Florence Camard