Grèce - Collectionneurs

L'actualité vue par

Dakis Joannou, collectionneur

« Offrir différents niveaux de compréhension de la collection »

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 24 juin 2005 - 1087 mots

Dakis Joannou, l’un des plus importants collectionneurs d’art contemporain en Europe, a réuni depuis vingt ans un ensemble exceptionnel d’œuvres du milieu des années 1980 à nos jours.

Le Grec a créé en 1983, à Athènes, la Deste Foundation, qui a accueilli l’été dernier, à l’occasion des Jeux olympiques, l’exposition « Monument to now » présentant quatre-vingt-quinze artistes de sa collection (lire le JdA no 197, juillet-août 2004). Du 23 juin au 18 septembre, le Palais de Tokyo, à Paris, propose à son tour, sous le titre « Translation », un choix parmi les pièces de cet ensemble signées d’artistes tels Vanessa Beecroft, Cai Guo-Qiang, Maurizio Cattelan, Mike Kelley, Jeff Koons, Joseph Kosuth, Shirin Neshat, Gabriel Orozco, Yinka Shonibare ou Christopher Wool. Les graphistes français M/M (Paris) – Michaël Amzalag et Mathias Augustyniak – ont de leur côté conçu la mise en scène de l’événement et proposent « un véritable opéra visuel » en jouant sur différentes histoires et en nouant un dialogue entre les œuvres et leurs propres travaux. Rencontré à Bâle en marge de Art Basel, Dakis Joannou commente l’actualité.

Comment s’est opéré le choix des œuvres qui sont montrées dans l’exposition « Translation » au Palais de Tokyo ?
J’ai été approché par l’équipe du Palais de Tokyo après qu’ils aient vu l’exposition « Monument to now » à Athènes l’année dernière et qu’ils aient exprimé un intérêt pour montrer une partie de ma collection. Je leur ai dit que j’aimerais qu’ils prennent l’initiative de concevoir une exposition avec des œuvres de la collection. Nicolas Bourriaud, Jérôme Sans et Marc Sanchez sont venus à Athènes. Ils ont regardé les œuvres, visité l’exposition une fois de plus et, finalement, ils ont décidé de monter « Translation » avec les œuvres de leur choix. Il s’agit vraiment d’une exposition conçue par le Palais de Tokyo. Nous avons eu une relation très informelle et très décontractée, vraiment très bien.

Quelle partie de la collection est exposée à Paris ?
L’exposition va avoir un caractère très différent de « Monument to now », parce qu’elle a été totalement organisée par les codirecteurs du Palais de Tokyo. Il s’agit réellement de leurs idées et de leur lecture de la collection.

La mise en scène de « Translation » est réalisée par les graphistes français M/M (Paris). Comment avez-vous travaillé avec eux ?
Je n’ai pas travaillé en direct avec eux. Le Palais de Tokyo a lancé l’idée de confier la mise en scène à M/M et je leur ai donné mon accord. Encore une fois, il est très intéressant pour moi d’offrir différents niveaux de compréhension de la collection. Ils m’ont envoyé un e-mail pour me montrer leur projet de mise en scène. Je n’en ai pour l’instant qu’une vague idée, mais cela a l’air très excitant !

Quelle est la taille de votre collection ?
J’ai beaucoup d’œuvres, mais j’essaie de contenir à 250 le nombre de pièces de ma collection, et elle se renouvelle continuellement. Les dernières œuvres que j’ai achetées sont, par exemple, deux sculptures de Chris Ofili, qui seront montrées pour la première fois dans l’exposition du Palais de Tokyo, ce qui m’enthousiasme.

Êtes-vous très intéressé par les « Young British Artists » ?
Non, pas tant que ça. Mais j’en ai quelques-uns dans ma collection.

Quels sont les artistes français qui vous intéressent ?
De façon assez surprenante, il n’a pas beaucoup d’artistes français, italiens ou même grecs dans ma collection. Je ne regarde pas la nationalité, j’achète seulement les œuvres qui me conviennent. Il n’y a pas d’autres critères.

À Bâle, la Foire dispose d’une section spéciale, « Unlimited », pour présenter des pièces importantes. Qu’en pensez-vous ?
C’est une idée fantastique parce qu’autrement on ne verrait pas ces pièces dans les foires. Cela ouvre le marché des installations en les rendant plus accessibles, parce qu’il est bien évidemment plus difficile de vendre une installation qu’une petite peinture.

Votre collection comprend-elle beaucoup d’installations ?
Oui, j’en ai quelques-unes, mais je ne peux pas les montrer très souvent à cause de la nature de ces pièces et de l’espace qu’elles demandent. Le médium n’est qu’une partie de l’œuvre, et il n’est pas un critère primordial dans mes choix.

Fréquentez-vous beaucoup les foires ?
Non, pas tellement. Je ne les fréquente pas beaucoup parce que j’achète la plupart des œuvres de ma collection sur le premier marché. Je vais à Bâle et à la Foire d’Athènes, un petit salon de bonne qualité. Le marché grec devient de plus en plus important. Il y a de plus en plus de collectionneurs en Grèce, et notamment plusieurs jeunes. Il y a vraiment une différence par rapport à quand j’ai commencé ma collection, il y a vingt ans.

Venez-vous à Art Basel avec l’intention d’acheter beaucoup d’œuvres ?
Je n’achète pas beaucoup sur le second marché. De plus, je suis très proche de certaines galeries et je reçois des informations très tôt maintenant. Je sais quand il y a une pièce susceptible de m’intéresser ou non. Pour moi, la foire est vraiment très intéressante du point de vue de l’information. Et, évidemment, parfois j’achète des œuvres dans les foires et de façon occasionnelle dans les ventes aux enchères. Mais mes sources, ce sont vraiment les galeries directement, leurs expositions et les informations qu’elles me donnent.

Au premier jour d’ouverture, quel est votre point de vue sur les différentes foires de Bâle ?
Je suis allé voir la nouvelle foire « VOLTAshow » et je trouve que la présentation est très bonne. Il y a aussi de très bonnes œuvres, de bonnes installations, une très haute qualité.

Le « VOLTAshow » confirme que la peinture est omniprésente en ce moment, en parallèle au succès actuel de l’école de Leipzig. Y êtes-vous sensible ?
Peu importe pour moi que ce soit une peinture ou une sculpture, je cherche seulement les bonnes œuvres d’art. Je ne suis pas attaché à des écoles ou à des monuments.

Quels ont été vos coups de cœur à la Biennale de Venise ?
Le pavillon d’Annette Messager est très excitant. J’ai aussi apprécié quelques pavillons, comme l’autrichien [occupé par Hans Schabus, NDLR], qui est également très bon. Les deux expositions internationales ont été très bien conçues, l’Arsenal, tout comme le pavillon italien. À l’Arsenal, il y a également une pièce très intéressante de Nikos Navridis / Samuel Beckett, qui est à mon sens l’une des œuvres les plus importantes de l’exposition.

Palais de Tokyo, site de création contemporaine, 13, avenue du Président-Wilson, 75116 Paris, tél. 01 47 23 38 86, tlj sauf lundi, 12h-24h

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°218 du 24 juin 2005, avec le titre suivant : Dakis Joannou, collectionneur

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