Lancée le 16 avril, FACE (Foundation of Arts for a Contemporary Europe) réunit cinq fondations privées européennes d’art contemporain. Toutes entendent produire une œuvre ensemble chaque année. Ce réseau facilitant les prêts et les échanges espère compter une dizaine de membres à terme et bénéficier de fonds européens.
BRUXELLES - En janvier, le collectionneur californien Eli Broad avait secoué le landerneau en appelant à une mutualisation des collections et ressources des musées. C’est une autre forme d’action collective que propose la nouvelle association FACE (Foundation of Arts for a Contemporary Europe). Lancée à Bruxelles le 16 avril, elle regroupe cinq fondations privées européennes d’art contemporain, toutes créées par des collectionneurs : la Fondation Sandretto Re Rebaudengo à Turin ; DESTE Foundation à Athènes ; Ellipse Foundation à Cascais (Portugal) ; La Maison Rouge à Paris et Magasin 3 à Stockholm.
Ce projet germait depuis plus d’un an dans l’esprit de Patricia Sandretto Re Rebaudengo. Les cinq membres, choisis par affinités électives, partagent un esprit « laboratoire », mais affichent des âges, fonctionnements, lignes esthétiques et budgets différents. Inaugurée en 2004, la Maison Rouge n’a ainsi pas de collection propre, celle de son fondateur Antoine de Galbert ne venant qu’en renfort dans les expositions. Magasin 3 n’avait pas de fonds à son ouverture en 1987, mais s’en est constitué un en produisant des œuvres pour ses expositions. La diversité des statuts juridiques a, de fait, conduit les membres à opter pour un Groupement européen d’intérêt économique (GEIE).
L’objectif premier de ce rassemblement est de produire ensemble une œuvre par an. « Chaque année, une fondation proposera aux autres membres quatre artistes parmi lesquels on choisira un nom à la majorité », explique Patrizia Sandretto Re Rebaudengo. Celle-ci a déjà soumis une liste à ses partenaires, le choix définitif étant révélé en mai. Les fondations seront toutes propriétaires de l’œuvre ainsi produite dans la mesure où il s’agira de multiples (photos ou vidéos) ou de suites (pour les peintures). Dépourvue de collection, la Maison Rouge devra déterminer ce qu’elle fera de la pièce en question. Quid du budget ? « Il ne s’agit pas d’un prix, mais d’une entreprise de production, donc le budget sera discuté chaque année », précise Francesco Bonami, curateur de la Fondation Sandretto Re Rebaudengo.
Réseau d’échanges
L’idée est aussi plus largement de créer un réseau simplifiant les prêts et les échanges, tout en réduisant les coûts grâce à des publicités et une newsletter communes. « À nous tous, nous avons peut-être quelque 5 000 œuvres que nous pouvons nous prêter les uns les autres », indique David Neuman, directeur de Magasin 3. « On aimerait aussi que les Amis de la Maison Rouge puissent rencontrer les amis des autres fondations, découvrir des lieux qu’ils ne connaissent pas forcément », souligne enfin Paula Aisenberg, directrice de la Maison Rouge. Pour officialiser le lien, le quintette prévoit enfin d’exposer en octobre à Turin un échantillon d’œuvres de chacune des fondations, sous la houlette de Bonami.
Le lancement symbolique de cette association au Parlement européen de Bruxelles le 16 avril n’est pas anodin, dans la perspective d’une demande de crédits européens. Mais le groupe pourrait à terme élargir ses rangs hors de l’Europe. « L’idée est d’arriver à au moins dix fondations, parce que j’aimerais qu’on produise plus d’une pièce par an, explique Patrizia Sandretto Re Rebaudengo. Mais d’ici là, il faut montrer que nous sommes sérieux, transparents et passionnés. » Et Francesco Bonami d’ajouter : « À l’heure où l’on entend des coupes budgétaires dans la culture, on veut rappeler que celles-ci seraient dangereuses pour la société, car l’art est le seul espace de liberté totale. »
Fédération privée
Pour David Neuman, cette initiative pourrait même faire des petits. « Des scénarios similaires sont en train de se mettre en place au niveau de quelques musées publics européens », confie-t-il. Précisément, comment ces musées réagissent-ils au lancement de cette fédération privée, alors qu’ils comptent fortement sur l’appui des collectionneurs pour leurs propres développements ? « Cette initiative est saine et positive, observe Nicholas Serota, directeur de la Tate (Londres). Ils ont beaucoup à apprendre les uns des autres. » Et sur l’obtention d’une éventuelle aide européenne ? « À quoi servirait-elle ?, s’interroge Serota. Si c’est pour agrandir le nom de l’association, je ne vois pas pourquoi des aides publiques iraient à des activités privées. » Pour Alexandre Melo, curateur de la Fondation Ellipse, « dans le futur, nous trouverons de plus en plus de formes de collaborations entre publics et privés. C’est une question d’imagination, cela dépend de ce dont le musée a besoin et de ce que la fondation peut donner. Nous devons être flexibles et trouver les bons compromis. »
(*) - Légende visuel : Les fondateurs de FACE, de gauche à droite : Antoine de Galbert, Francesco Bonami, Dakis Joannou, David Neuman, Patrizia Sandretto Re Rebaudengo, et Alexandro Melo.
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Art contemporain : les privés se fédèrent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°280 du 25 avril 2008, avec le titre suivant : Art contemporain : les privés se fédèrent