CHARTRES
Le maire de Chartres a fermé le Musée des beaux-arts de la Ville, espérant ainsi faire pression sur le Département afin qu’il lui transfère la propriété des murs. Sur fond de rivalités et d’enjeux politiques, Ville et conseil départemental se querellent à ce sujet depuis des années, tandis que l’ancien palais épiscopal nécessite d’importants travaux de restauration.
CHARTRES - Pour Jean-Pierre Gorges, député maire de Chartres (LR), fermer le Musée des beaux-arts de la ville qu’il administre depuis 2001 est une façon de faire pression. Une tentative pour contraindre le conseil départemental d’Eure-et-Loir (LR), propriétaire de l’ancien palais épiscopal qui jouxte la célèbre cathédrale chartraine, de lui céder la propriété de cet édifice dans lequel sont présentées les collections du musée municipal depuis 1939. La Ville a été « quasiment propriétaire » pendant un siècle de ce bâtiment classé monument historique, puisque le musée a occupé le lieu de 1914 à nos jours en vertu d’un bail emphytéotique (99 ans). En 2013, cette emphytéose est arrivée à échéance et a été remplacée par un bail précaire que le maire a choisi de ne pas renouveler lorsqu’il est parvenu à sa date butoir, le 31 décembre 2016. Car désormais, la Ville entend être propriétaire du lieu… ou rien. « Au début de mon premier mandat, en 2001, le président du conseil départemental Martial Taugourdeau avait promis de me céder l’édifice pour un franc symbolique mais ce dernier est décédé la même année. Depuis, l’équipe de son successeur, Albéric de Montgolfier, me mène en bateau », déclare-t-il. Le maire évoque d’interminables négociations entre les deux parties – sur fond de querelles politiques – au cœur desquelles se joue le destin du palais épiscopal. « En échange de la cession de ce bâtiment, le Département veut que j’autorise la construction d’un bâtiment d’administration destiné aux effectifs du conseil général dans une rue résidentielle. Ce que je refuse. La situation est bloquée. »
Ambitions électorales
Afin que le musée continue de présenter sa collection – riche de noms aussi célèbres que Zurbarán, Rigaud, Derain et Vlaminck – au public, le maire aurait pu accepter une reconduction du bail de six mois, proposée par le Département. Le 2 janvier, il a préféré fermer brusquement les portes du musée. Les équipes et les œuvres n’ont pas pour autant quitté l’ancien palais épiscopal : elles attendent qu’un accord soit trouvé. Une réunion doit se tenir le 23 janvier entre la direction régionale des Affaires culturelles (Drac) Centre, le conseil départemental et la municipalité pour discuter de l’avenir du bâtiment et du musée.
Si le Département et la Drac ne souhaitent pas s’exprimer avant cette date, le maire cherche de son côté à attirer l’attention des médias, espérant ainsi faire plier le conseil départemental, et, plus largement, gagner en visibilité. L’élu, qui a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle (il recherche encore les 500 parrainages réglementaires) n’a pas hésité à s’exposer sur Twitter où il s’est violemment empoigné avec la communauté des « museogeeks » après l’annonce de la fermeture du musée. Utilisant un langage volontairement provocateur, il a cherché à défendre sa politique culturelle, qui mobiliserait « 38 % de [s]on budget ». Entre la médiathèque réhabilitée par Paul Chemetov et le cinéma revu par Rudy Ricciotti, la Ville s’est en effet dotée d’équipements culturels d’envergure depuis 2001. Et elle multiplie les projets, parmi lesquels l’édification d’un centre d’interprétation sous le parvis de la cathédrale, actuellement objet de discussions avec la Drac.
Un musée délaissé
Mais le Musée des beaux-arts n’en a pas moins été délaissé, comme le soulignent les détracteurs. Le lieu, que nous avons pu visiter après sa fermeture, a fort mauvaise mine. Vétuste, dévoré par endroits par l’humidité, il n’a fait l’objet depuis son installation que de travaux de sécurisation minimum. Certains de ses maigres espaces d’exposition ont été interdits au public par sécurité, ou pour abriter les réserves du Muséum d’histoire naturelle qui a lui-même fermé en 2015 (lire l’encadré). Charge revenait à la Ville, dans le cadre du bail emphytéotique, d’entretenir le lieu. Ce qu’elle n’a pas fait. « À 10 ou 15 millions d’euros le coût des travaux, on ne restaure pas un lieu qui risque de revenir dix ans plus tard à son propriétaire initial », se défend Jean-Pierre Gorges, qui promet de réaliser ce vaste chantier s’il obtient le titre de propriété. « Je n’abandonnerai pas. Même si le palais épiscopal est mis en vente [une possibilité qui aurait été évoquée par le conseil départemental, NDLR], je préempterai le bâtiment », prévient-il tout en n’excluant pas de présenter les collections dans un autre bâtiment municipal. « À Chartres, la Ville acquiert tous les bâtiments patrimoniaux qu’elle peut », explique-t-il. « Le maire aime être maître chez lui. C’est un élément essentiel pour comprendre son fonctionnement », résume un de ses collaborateurs.
La Ville de Chartres veut transformer, d’ici à 2020, son Muséum d’histoire naturelle en espace consacré à la musique. Profitant du départ à la retraite du directeur du musée, elle a fermé le lieu vieillissant en 2015, et mis les collections en réserve au Musée des beaux-arts. Elle souhaite, à terme, regrouper les collections du Muséum et celles du service archéologique de la Ville à l’abbaye Saint-Brice.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le Musée de Chartres au centre d’un bras de fer
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°471 du 20 janvier 2017, avec le titre suivant : Le Musée de Chartres au centre d’un bras de fer