Musée

Un grand musée agricole craint d’être délocalisé  

Le musée d’agriculture Le Compa craint pour son avenir 

Un projet de relocalisation en dehors de Chartres du musée d’agriculture suscite les inquiétudes de l’association des Amis du musée.

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 20 novembre 2018 - 893 mots

CHARTRES

La Ville de Chartres veut récupérer les terrains où est installé Le Compa, un musée de société tout récemment rénové qui bénéficie d’une forte fréquentation. L’association des Amis redoute que son déménagement en pleine campagne ne mette en péril ce Conservatoire de l’agriculture.

Le Compa
Le Compa, à Chartres, est installé à l'heure actuelle dans une ancienne rotonde SNCF.
© Compa

Chartres (Eure-et-Loir). « Gardons Le Compa à Chartres ! » : c’est par ce cri de ralliement que l’association des Amis du Compa tente de peser de tout son poids dans l’avenir du Conservatoire de l’agriculture à Chartres et d’alerter l’opinion sur les difficultés rencontrées actuellement par le musée, pourtant rénové en 2016 par le Département d’Eure-et-Loir, son autorité de tutelle.

Vue intérieure du Compa à Chartres.
Vue intérieure du Compa à Chartres.
© photo A.Lombard / CD28

Ouvert en 1990 et devenu « conservatoire départemental d’Eure-et-Loir » en 1997, Le Compa est le premier musée agricole (labellisé « Musée de France ») sur le plan des collections. En effet en 2012, Le Compa a bénéficié du transfert des collections de deux autres musées de France qui avaient fermé leurs portes quelques années auparavant, les Ruralies (Maison des produits régionaux) situé près de Niort (Deux-Sèvres) et Agropolis-Museum, à Montpellier. Le conseil départemental revendique (sur son site Internet) une fréquentation de 50 000 visiteurs à l’année, faisant du Compa le « 1er musée de la région Centre ». En réalité, la fréquentation du musée tourne autour de 30 000 visiteurs, un chiffre dans la moyenne haute des musées de la région. Le bâtiment a subi une nécessaire cure de jouvence en 2016, après deux ans de travaux pour restaurer l’armature métallique de la rotonde, l’ancienne remise ferroviaire de la SNCF qui abrite le musée. La muséographie, entièrement revue, a infléchi le récit originel du musée, très technique, vers une approche plus sociétale et globale de l’agriculture, s’autorisant des liens avec les artistes contemporains, plus à même d’attirer un public de non-initiés.

« Un petit Puy du Fou »

Mais cette année, l’avenir du musée à Chartres est devenu incertain. Le 1er juillet dernier, le président du conseil départemental, Claude Térouinard (LR), élu en octobre 2017, déclare dans L’Écho républicain : « Je souhaite mettre Le Compa dans son environnement, qui est celui du monde agricole. L’idée serait de le transférer dans le sud du département, là où il y a le plus de grandes cultures. »

Pour les membres de l’association des Amis du Compa, l’annonce est rude même si la rumeur courait depuis plusieurs mois : le musée est limitrophe de la nouvelle gare de Chartres actuellement en construction, et le parking du musée a déjà été annexé par le chantier de la gare. « L’actuel site du Compa, à proximité du futur Pôle gare de Chartres, a plutôt vocation à devenir un site tourné vers l’activité économique, en lien avec la mutation de ce quartier, qui regroupera l’ensemble des réseaux de transports de l’agglomération chartraine et un équipement culturel et sportif », précise Claude Térouinard dans les colonnes de L’Écho républicain. Pourquoi le sud du département pour Le Compa ? « Il faut aussi donner quelque chose à ce secteur de l’Eure-et-Loir. » Après avoir nommé fin septembre Daniel Guéret, conseiller départemental, adjoint au maire de Chartres et vice-président de Chartres Métropole, à la tête du projet de pilotage de la relocalisation du musée, le président imagine le futur Compa : « Il faut que cet espace soit un lieu d’animation de l’histoire de l’agriculture, avec une scénographie, un peu comme le Puy du Fou en Vendée. Un petit Puy du Fou. »

Pour les Amis du musée, l’explication est un peu courte.« Trois mois après avoir découvert dans la presse les projets de délocalisation, les Amis du Compa ont enfin été reçus par les élus départementaux à ce sujet. Rappelons qu’à ce stade, aucune information officielle n’avait encore filtré et que les déclarations récentes du Président du Conseil départemental, gestionnaire du musée, laissent à penser que cette action est menée sans concertation avec les principaux intéressés, responsables, salariés et associations », répliquent-ils dans un premier communiqué. Reçus le 26 septembre par Daniel Guéret, les Amis en sont ressortis sceptiques. « On nous parle d’un comité de pilotage qui se mettrait en place en décembre, pour une décision prise en janvier ! Nous serions consultés dans la précipitation sur un projet dont on ne connaît ni le lieu, ni la thématique, ni la faisabilité. » Les Amis fourbissent leurs arguments : avec 1,6 million d’euros investis en 2016 pour la rénovation du musée et dans une période de contraction des finances publiques, un tel projet serait un « gaspillage incroyable ». Pour les Amis, le succès du Compa repose en partie sur son implantation à Chartres, capitale de la Beauce, qui lui confère une visibilité.

« On aimerait savoir pourquoi le premier musée d’agriculture de France n’a actuellement pas de parking », glisse un membre de l’association des Amis du Compa. « Quel est le programme des expositions pour 2019 et pourquoi a- t-on réduit le personnel du musée ? », s’interroge une autre membre. À l’association, les questions demeurent sans réponse.

Sollicité par le Journal des Arts, le Département n’a pas répondu à nos questions. Le 5 novembre dans L’Écho républicain, Daniel Guéret a pris la parole pour la première fois, évoquant sa mission et ses prochaines étapes. Après la remise d’un rapport d’orientation début 2019, la création d’un comité de pilotage pourrait intervenir dès le printemps 2019.

Après la tourmente subie par le Musée des beaux-arts en 2017, la ville de Chartres perdra-t-elle son musée de l’agriculture en 2019 ? Pour sauver Le Compa, les Amis du musée comptent bien faire entendre leurs voix.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°511 du 16 novembre 2018, avec le titre suivant : Un Compa déboussolé

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