Underground

Warhol parmi les siens

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2015 - 684 mots

Au Centre Pompidou-Metz, une exposition replace avec brio le roi du pop art au sein de l’effervescence créative de son atelier new-yorkais. Elle aurait cependant pu s’éviter quelques remplissages.

METZ - Insatiable touche-à-tout, Andy Warhol a eu le don de s’entourer en son temps de nombre de talents très divers. Sa fameuse Silver Factory fut une véritable ruche pensée autant comme l’atelier de production de son propre travail que comme un lieu d’échange, de fêtes et d’expériences. Elle lui a permis non seulement de faire acte de création mais aussi de trouver source d’inspiration dans le passage permanent dont elle était le théâtre.

C’est cette histoire de rencontres et de collaborations que met en scène l’exposition « Warhol Underground » proposée par le Centre Pompidou-Metz. L’expression « mise en scène » sied ici à l’exercice, qui d’emblée fait entrer le visiteur dans un véritable décor ; non pas une reconstitution de la Factory, mais une libre interprétation de son atmosphère, avec une ambiance particulière à laquelle les murs argentés et l’éclairage très bas ne sont pas étrangers.

Si elle n’est pas tout à fait dénuée d’accents en toc, peut-être à cause d’un malheureux canapé en skaï rouge ou de quelques accessoires qui semblent forcer un peu le trait de la création bohème, la première salle et son immense mur recouvert de photographies exprime cette idée de brassage et d’effervescence créative propre aux lieux. Y sont rassemblées plusieurs dizaines de photographies aux signatures aussi célèbres que Stephen Shore, visiteur régulier entre 1965 et 1967 ; Fred McDarrah, célèbre chroniqueur du Village Voice ; Nat Finkelstein, qui s’était fait une spécialité dans la représentation de l’underground new-yorkais, ou encore Steve Schapiro. Bien des acteurs de la contre-culture de la Grosse Pomme défilent dans les lieux et sous leurs objectifs. On y croise des icônes et des muses (Edie Sedgwick, Ultra Violet, Mary Woronov…), des musiciens, en particulier les membres du Velvet Underground (Lou Reed, Nico, John Cale…), des acteurs (Joe Dallesandro…), des danseurs (Freddy Herko, Eric Emerson…), ou le conservateur du MoMA Henry Geldzahler. John Giorno n’est pas loin non plus, un beau téléphone vintage accroché au mur conviant à composer un numéro pour écouter un poème (Dial A Poem, 1968).

Cependant, l’exposition semble avoir été réalisée avec des bouts de ficelle et vire parfois au remplissage. La plupart des rares tableaux exposés (des portraits de Liz Taylor, une Electric Chair ou un accident de voiture) n’apportent strictement rien au fond, tandis qu’un espace sans intérêt accumule des sérigraphies de soupe Campbell (Campbell’s Soup I, 1968) et que des boîtes de lessive Brillo sont posées sur une estrade trop grande (Five Brillo Boxes, 1963-1964).
Spectacles collaboratifs

C’est lorsqu’elle aborde véritablement cette question des croisements, des collaborations et des influences que la proposition se fait captivante. Ainsi des liens de Warhol à la danse, où dès 1962 celui-ci livre des Dance Diagrams figurant des pas à effectuer. Le contexte new-yorkais est alors propice à l’expérimentation dans la discipline, avec des chorégraphes tels Lucinda Childs, Trisha Brown, Steve Paxton ou Yvonne Rainer, figures évoluant autour du Judson Dance Theater, ouvert lui aussi à d’autres disciplines, cinéma et arts plastiques notamment. Les Silver Clouds (1966), ces ballons argentés de Warhol, sont en outre utilisés par Merce Cunningham dans son spectacle RainForest (1968), en tant qu’éléments non de décor mais plutôt d’interaction avec les corps des danseurs, ainsi que le montre une transcription filmée du spectacle projeté ici. Un grand espace redonne vie également à Exploding Plastic Inevitable, véritable spectacle multimédia conçu en 1965 par l’artiste pour le Velvet Underground ; une folle association entre musique, film, danse et projection de diapositives.

Capitale est dans cette geste warholienne l’importance du portrait photographique, devenu presque compulsif. Aux dizaines de Polaroid alignés sur un mur répondent les formidables Screen Tests (1964), véritable archive vidéo des visages passés par la Factory, où, durant trois minutes, chacun, cadré au plus près en plan américain, regarde la caméra sans bouger. « I’ll be your mirror », disait la chanson.

WARHOL UNDERGROUND

Commissaire : Emma Lavigne, directrice du Centre Pompidou-Metz
Nombre d’artistes : 41
Nombre d’œuvres : 200

WARHOL UNDERGROUND, jusqu’au 23 novembre, Centre Pompidou-Metz, 1, parvis des Droits-de-l’Homme, 57000 Metz, tél. 03 87 15 39 39, centrepompidou-metz.fr, tlj sauf mardi 10h-18h, du vendredi au dimanche 10h-19h, entrée 12 €.

Légende Photo :
Stephen Shore, Andy Warhol, the Factory, NYC, 1965-1967, photographie noir et blanc, 32,4 x 48,3 cm. © Stephen Shore, courtesy 303 Gallery, New York.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°441 du 18 septembre 2015, avec le titre suivant : Warhol parmi les siens

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