PARIS
Après le flux, le reflux, les boutiques de luxe chassent les galeries d’art.
PARIS - Lorsqu’il inaugure sa galerie parisienne, au 2 avenue Matignon en mars 2010, en plus des deux autres qu’il a en Belgique et celle de Saint-Paul-de-Vence, Guy Pieters explique alors que « Paris redevient une place forte pour l’art contemporain, que le quartier change et devient dynamique pour le marché ». Il a d’ailleurs été devancé, dès le mois d’octobre 2009, par la galerie Tornabuoni (au n° 16 de la même avenue), grosse pointure spécialisée dans l’art italien du XXe siècle. Ce qui à l’époque peut passer pour un frémissement devient carrément une effervescence lorsqu’en octobre 2010, Larry Gagosian ouvre, lui aussi, un espace (son neuvième dans le monde à cette date, il en a quatorze aujourd’hui) et s’installe à cent mètres, au 4 rue de Ponthieu. La rumeur va même circuler que la galerie Pace-Wildenstein, autre mastodonte mondial chercherait un espace.
L’effet Noirmont
Mais cinq ans plus tard, ce que certains voyaient comme un eldorado pour l’art contemporain, est en train de se transformer en morne plaine. Déjà, Guy Pieters a fermé très vite, fin 2011 (sa galerie sera reprise en mars 2012 par Laurent Strouk). Puis c’est surtout la fermeture de la galerie de Noirmont, en mars 2013, qui va faire l’effet d’une bombe. Et à retardement, en plus, puisqu’en septembre dernier, Bob Benamou met à son tour les clefs sous la porte de son 24, rue de Penthièvre. Remplacé par Françoise Livinec, il est parti se réinstaller au 7, rue Froissart avec Véronique Maxé, où il était il y a vingt ans. Enfin, le 4 mars dernier, Éric Dereumaux, cofondateur avec Éric Rodrigue de la galerie RX, fermait ses deux espaces de l’avenue Delcassé et annonçait son déménagement dans le Marais avec ouverture d’une nouvelle adresse en novembre prochain. Benamou et Dereumaux expliquent que la fermeture des Noirmont a accéléré une perte de fréquentation du public. « Il y a encore peu de temps, il y avait un vrai pôle art contemporain : en 500 mètres, il y avait un beau parcours. Aujourd’hui, les magasins de vêtements ont pris le dessus », souligne Dereumaux. Patrick Bongers (de la galerie Louis Carré) va dans le même sens : « On a le sentiment que l’avenue Matignon est rattrapée par le Faubourg Saint-Honoré en ce qui concerne le shopping de luxe ».
En plus de ce changement d’orientation, l’arrivée des grandes marques aux moyens importants, fait flamber le prix des loyers. Cela incite les galeries d’art vraiment contemporain à rejoindre le Marais, nettement plus attractif, aussi bien du point de vue du coût de ses baux que de sa dynamique. Tous s’accordent aussi pour dire que la présence des grandes maisons de vente, Sotheby’s, Christie’s, Artcurial, Piasa… n’a aucune incidence, puisqu’il ne s’agit pas forcément de la même clientèle que celle des galeries. Des Gagosian, Hopkins, Tornabuoni, Malingue, Gagosian au début de la rue, à Lelong et Carré en haut du quartier, il en reste quand même quelques-unes de grande qualité. « Nous étions déjà un peu à l’écart, ce qui nous obligeait à avoir des méthodes de travail différentes. On va les continuer », conclut Patrick Bongers.
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Avenue Matignon, la mode n’est plus à l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°434 du 24 avril 2015, avec le titre suivant : Avenue Matignon, la mode n’est plus à l’art