PARIS
La profession se mobilise depuis que les professions réglementées sont dans le collimateur des pouvoirs publics.
PARIS - Nul ne connaît encore le contenu définitif du projet de loi « croissance et pouvoir d’achat », qui comportera un volet sur les professions réglementées. Celles-ci se sont pourtant fortement mobilisées ces dernières semaines, notamment en raison de la diffusion tardive du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) de mars 2013. Ce rapport n’épargnait nullement la profession de commissaire-priseur judiciaire. La suppression de « certains monopoles injustifiés » est en effet préconisée, et parmi ceux-ci la vente aux enchères publiques, certes réservée, à titre principal ou accessoire, mais de manière concurrentielle, à quatre professions réglementées. Dans un courrier adressé à la garde des Sceaux, le 14 août dernier, Agnès Carlier, présidente de la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires (CNCPJ), n’hésitait pas à écrire que ledit rapport « est émaillé d’erreurs et de confusions, ce qui amène à douter de l’impartialité de ses auteurs. Par ailleurs, ce rapport est incomplet, lacunaire et incohérent ». Et les quatre récentes réformes de la profession engagées à l’aune des exigences européennes ne peuvent que lui donner raison. De la scission des ventes judiciaires et volontaires, consacrée par la loi du 10 juillet 2000, aux profondes mutations de la profession opérées par la loi du 20 juillet 2011, en passant par la modification des tarifs des commissaires-priseurs judiciaires aux termes du décret du 2 mars 2006, sans oublier l’encadrement du salariat par le décret du 30 janvier 2012, le visage des ventes judiciaires aux enchères publiques a été redessiné ces dernières années. Or, le rapport passe sous silence un certain nombre d’opérations propres au commissaire-priseur judiciaire – ainsi de la prisée –, pour se concentrer uniquement sur la vente, dont la spécificité du caractère judiciaire semble bien mal assimilée. Quant à la collaboration au fonctionnement du service public de la justice, nulle trace. Enfin, l’étonnement ne peut que redoubler lorsque la plume de l’IGF dérape en assénant que « le monopole des ventes judiciaires est vraisemblablement incompatible avec la directive “services” de la Commission européenne ». Preuve supplémentaire de l’analyse bien dilettante de la réalité d’une profession qui a dû s’adapter aux exigences communautaires, non sans difficultés.
La lettre de mission de Bercy du 1er octobre 2012, à l’origine du rapport, visait plusieurs objectifs eu égard aux professions réglementées : instaurer une liberté d’installation sous certaines conditions, ouvrir les structures d’exercice à des capitaux extérieurs, encadrer les tarifs par l’Autorité de la concurrence et supprimer le droit de présentation. Ce dernier point est le plus délicat. En effet, lors de la cessation de son activité, le commissaire-priseur judiciaire peut présenter au garde des Sceaux son successeur, ce dernier versant alors une somme correspondant à la valorisation des droits cédés, fruit du travail d’une vie professionnelle.
Objectifs d’intérêt général et efficacité économique
La question des modalités d’une compensation financière, bien délicate en temps de crise, pose une réelle difficulté. Mais ce droit, instauré par une ordonnance de 1816, est aujourd’hui également remis en question devant le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par le Conseil d’État le 10 septembre 2014. Face à la fébrilité de nombreux acteurs, une mission d’information sur les professions juridiques réglementées a été mise en place in extremis. La mission parlementaire, dont la présidente-rapporteure est la députée Cécile Untermaier (SRC, Saône-et-Loire), a notamment pu auditionner la garde des Sceaux, Christiane Taubira, le 7 octobre dernier. Cette dernière a fait part de certaines réserves vis-à-vis de la réforme en cours, rappelant que l’État délègue à des tiers qualifiés des missions de service public avec un souci de qualité et d’accessibilité notamment territorial. Agnès Carlier et François Peron, président de la compagnie régionale Lyon Sud-Est, auditionnés le 15 octobre, ont relayé « le sentiment d’incompréhension » de la profession et réitéré la conciliation actuelle des objectifs d’intérêt général avec l’efficacité économique. La présidente de la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires rappelant que, dans la majorité des pays européens, y compris la Grande-Bretagne, il existe un régime particulier pour les ventes aux enchères publiques. Reste désormais à espérer que le projet de loi annoncé pour fin novembre intégrera les recommandations de la mission d’information.
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Professions réglementées : l’inquiétude des commissaires-priseurs judiciaires
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Abonnez-vous dès 1 €Première vacation de la vente de la bibliothèque du château de Dampierre, appartenant aux ducs de Luynes, Sotheby's - © Photo Remi Mathis - 2013 - Licence CC BY-SA 3.0
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°421 du 17 octobre 2014, avec le titre suivant : Professions réglementées : l’inquiétude des commissaires-priseurs judiciaires