VEVEY - Après plus de trois ans de travaux, le Musée Jénisch, à Vevey en Suisse, a rouvert ses portes au public le 23 juin.
Institution de taille moyenne logée dans un bâtiment de style néoclassique, le Musée Jénisch pourrait vivoter dans l’ombre du Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne s’il ne bénéficiait pas de l’énergie de ses jeunes équipes et de son directeur depuis 2004, Dominique Radrizzani. Ce dernier fut essentiel dans la mue de l’établissement créé en 1897 sous l’impulsion d’une mécène d’origine fribourgeoise, Fanny Jénisch. Pensé en tant que musée des arts et des sciences, aux collections transversales comprenant beaux-arts, animaux naturalisés, fossiles et minéraux, le Musée Jénisch aborde le XXIe siècle après une transfiguration qui voit les arts graphiques devenir dominants. Le rouge pompéien des murs du hall d’entrée a refait surface pour s’accorder aux superbes fresques d’inspiration mythologiques signées Ernst Biéler ; la moquette a disparu au profit des parquets et mosaïques d’origine et la bibliothèque municipale au sous-sol a laissé la place à des ateliers de restauration et d’encadrement et des réserves. Tandis qu’un centre de consultation des collections accessible à tous a été aménagé dans les combles et que les salles du rez-de-chaussée sont désormais réservées aux expositions temporaires. Outre une révision sérieuse de toutes les infrastructures techniques (éclairage, sécurité, ventilation…), d’élégants fauteuils et bancs en cuir blanc Vitra ont été installés çà et là.
Dans ce nouvel écrin, la richesse du musée peut enfin se déployer. Autour d’un noyau d’un millier de tableaux (dans lequel figure la « Joconde suisse », Le Braconnier par Frédéric Rouge, mais aussi Le Roi des chats de Balthus) dont une sélection est présentée toutes périodes et tous styles confondus dans une salle centrale, gravitent deux fonds exceptionnels pour la région, le Cabinet cantonal des estampes (35 000 pièces) et le Centre national du dessin (5 000 pièces), fondé dès son arrivée par Dominique Radrizzani. Renouvelé tous les trois mois, cet accrochage révèle des perles allant des gravures de Dürer à une acquisition récente d’estampes de Mona Hatoum, en passant par une matrice en bois de poirier d’Hokusai, où, sous les couches d’encre, se devine le mont Fuji, ainsi que des planches de bandes dessinées, un domaine qui passionne le directeur. Parallèlement à un modeste fonds d’art contemporain, le musée consacre une grande salle à la Fondation Oscar Kokoschka (2 000 pièces).
« La Tentation du dessin »
Aussi modestes soient ses moyens (100 000 francs suisses annuels [83 000 euros] pour les expositions, 80 000 [66 600 euros] pour les acquisitions), le Musée Jénisch profite du réseau de son directeur, que l’on connaît notamment pour ses commissariats d’expositions de la Fondation Gianadda – figure du monde des musées romands, Léonard Gianadda lui a même proposé, sans succès, de reprendre les rênes du lieu. Afin de convaincre sa tutelle, Dominique Radrizzani a suivi le conseil éclairé du ténor de Martigny : en promettant de récolter auprès de mécènes la moitié de la somme nécessaire aux travaux, le directeur a obtenu une subvention municipale de 3,5 millions de francs suisses (2,9 millions d’euros). Le refus de la population d’un édifice moderne pour le Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne ayant marqué les esprits, la transformation du musée a été opérée dans la discrétion tout en poursuivant le travail de fond essentiel à sa reconnaissance. Ainsi le musée est membre depuis 2006 de la Conférence des musées suisses, cercle des institutions majeures du pays. Et grâce à son ambition affichée de devenir un haut lieu du dessin, il continue de bénéficier de nombreux dons et de dépôts, parmi lesquels cette exceptionnelle collection particulière de plus de 400 pièces qui fait l’objet de l’exposition inaugurale – « La Tentation du dessin » (jusqu’au 14 octobre), assortie d’un catalogue prestigieux signé des plus grands noms de la profession et préfacé par Pierre Rosenberg. L’an prochain, Dominique Radrizzani pourra enfin monter le projet sur les paysages lémaniques sur lequel il travaille depuis quinze ans, intitulé « Lémancolie ». Joli clin d’œil à « La Mélancolie », exposition de Jean Clair avec lequel il a partagé le commissariat de la rétrospective « Balthus » à la Fondation Gianadda en 2008.
- Coût travaux : 7 millions de francs suisses (5,8 millions d’euros)
- Montage financier : 50 % Ville, 50 % mécènes
- Mécènes : Nestlé, Fondation Leenards, Fonds d’équipement touristique de l’État de Vaud, Loterie Romande, Fondation Oskar Kokoschka, Fonds Pierre Decker, Fondation Casino Barrière Montreux, Fondation Holenia Trust, Fondation pour les arts et les lettres Vevey, Fondation des amis du Musée Jenisch Vevey.
2, av. de la Gare, Vevey, Suisse, tél. 41 21 925 35 20, www.museejenisch.ch, tlj sauf lundi 10h-18h, 10h-21h le jeudi.
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Le Musée Jénisch renaît
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Abonnez-vous dès 1 €Restauration de la fresque d'Ernest Biéler au Musée Jénisch - Vevey - © Musées de Vevey
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : Le Musée Jénisch renaît