Arrêt sur images en gare de Vevey

Vevey (Suisse). Drôle d’endroit pour une rencontre avec la photographie. À la gare de Vevey, sitôt débarqué, le voyageur en transhumance reçoit une étrange invitation à découvrir un appartement à l’étage supérieur. « L’appartement » ? Une galerie consacrée à la photographie contemporaine installée dans les anciens logements des cheminots. Vevey devient la première gare de Suisse à accueillir un centre d’art. Ouvert depuis septembre 2021, le lieu prévoit d’accueillir une quinzaine de projets d’artistes par an : une programmation qui se veut ouverte à tous, d’accès gratuit et dynamique, en écho au lieu de passage qui l’abrite, avec un enchaînement d’expositions de courte durée. Une rotation conçue au départ sur un rythme de six à huit semaines, vraisemblablement trop rapide comme le reconnaît sans ambages la responsable de la communication, qui annonce déjà une rectification de tir pour cette seconde partie de l’année.

Que Vevey et la photographie se confondent, il n’y a là rien de bien nouveau. Dans cette petite métropole idéalement placée sur la Riviera vaudoise, à mi-chemin entre Lausanne et Montreux, sur les rives du lac Léman, la présence de l’école de photographie (CEPV, Centre d’enseignement professionnel de Vevey), la première école de photographie en Suisse créée en 1945, et celle du musée de l’appareil photographique marquent déjà cet ancrage du médium photographique dans la ville. En souhaitant accentuer cet axe, la municipalité avait fait le pari du label « Ville d’images » et mis en place une fondation, « Images Vevey », qui gère une biennale de la photographie, « Images Vevey », et un « Grand Prix Images Vevey ». Mais il fallait pérenniser cette offre et trouver une vitrine à l’année pour la photographie contemporaine. C’est chose faite depuis 2017 et l’accord de location de ces anciens appartements aux CFF (Compagnie des chemins de fer suisses), créant de facto un troisième volet au projet avec l’« Espace Images Vevey ».

La rénovation des deux appartements, d’une surface totale de 220 mètres carrés, aura duré quatre années. Au final, l’approche volontairement intimiste du lieu fait mouche pour le visiteur : les espaces sont nommés d’après leur fonction passée, ainsi les « chambres » en enfilade proposent de beaux volumes (et un éclairage zénithal) pour des expositions monographiques ; le « salon » met en valeur un livre d’artiste et la « cuisine » abrite la librairie-boutique-accueil. Çà et là, des détails insolites accrochent l’œil, comme une baignoire qui fait office de jardinière pour les plantes vertes.

Mais au-delà des murs, il y a les « colocataires » de l’espace, entendez les photographes invités à exposer. Tirant le fil de l’idée de « cohabitation artistique », ce sont en règle générale plusieurs artistes qui exposent simultanément dans l’espace. Jusqu’en mai, c’est Flurina Rothenberger, photographe zurichoise qui a grandi en Côte d’Ivoire et a fait du continent africain sa terre d’adoption, son terrain de prédilection, qui occupe les lieux. Elle a investi toutes les pièces en collaboration avec d’autres créateurs : Pathé’o, un couturier issu du Burkina Faso dont elle met en valeur les collections de mode ; des slameurs de Côte d’Ivoire qui ont réalisé un projet vidéo avec de jeunes photographes issues de l’école de Vevey ; des photographes sud-africains et ivoiriens avec lesquels elle publie un magazine culturel intitulé Nice. L’ensemble est dense, coloré, stimulant.

À noter, la prochaine « pendaison de crémaillère » à l’appartement est prévue à l’occasion de l’exposition d’automne conçue en parallèle avec le festival Images de Vevey, qui, lui, se tiendra du 3 au 25 septembre sous le mot d’ordre « Together - Ensemble ».