Suisse - Centre d'art

La Suisse, hors des sentiers battus

Par Marie Frumholtz · L'ŒIL

Le 23 mai 2017 - 1938 mots

Bien ancrés dans la tradition culturelle helvétique, les lieux d’art indépendants, parfois lancés et gérés par des artistes, abondent. Cette offre culturelle « alternative » compose le paysage suisse déjà riche d’institutions (musées, fondations et Kunsthalle) à la réputation internationale. À l’occasion d’Art Basel, L’Œil vous propose une sélection de ces lieux à (re)découvrir au mois de juin.

1. à genève
Hit

Créé et animé par l’artiste Anne Minazio, Hit aime explorer les passerelles entre les différents univers de la création, de l’art contemporain à l’art culinaire, en passant par l’architecture, le design et la mode, dans un mélange de rigueur et de fantaisie. Les 15 et 17 juin 2017, l’espace accueille « As Close As », résultat du travail in situ d’artistes performeurs et de vidéastes. Une présentation conviviale, durant laquelle les visiteurs pourront tester la cuisine concoctée par Anne Minazio et ses invités.
espace-hit.ch

Hard Hat

En 2004, l’équipe fondatrice de Hard Hat réunit John Armleder, Lionel Bovier (actuel directeur du Mamco), Christophe Cherix (directeur de la collection d’estampes du MoMA de New York), Balthazar Lovay (directeur du Centre d’art de Fribourg) et Fabrice Stroun (ex-directeur de la Kunsthalle de Bern). Autant dire que le lieu, de la taille d’une officine, est une véritable institution. Aujourd’hui géré par Denis Pernet, il offre de découvrir les premiers pas en solo de jeunes artistes locaux ainsi qu’un catalogue d’édition de multiples signés de noms reconnus. En juin, une exposition collective réunit exceptionnellement trois artistes plus établis : le peintre allemand Markus Amm, récemment installé à Genève, Mai-Thu Perret et Fabrice Gygi, autour de la notion d’abstraction, sous un intitulé emprunté à celui de l’ouvrage du philosophe martyr Giordano Bruno La Cabale du cheval Pégase.
hard-hat.ch

BIG, la Biennale des espaces d’art indépendants

Rythmée par les performances sonores et les concerts, la deuxième édition de BIG investit, les 16, 17 et 18 juin 2017, la Plaine de Plainpalais au cœur de Genève. L’événement, « artistique, musical et social », se veut un rassemblement festif des espaces d’art indépendants de la région, mais aussi de Suisse romande. Installations, vidéos, ateliers ouverts au public, jardin aquatique, performances, etc., une soixantaine de structures (associations, artistes et collectifs) prendront place dans une architecture de containers. L’idée ? Susciter une réflexion « sur la nécessité de lieux de culture dans la fabrication de la ville ». Sous les formes les plus diverses, l’association Espace Verseuse prévoit ainsi de faire de son stand « le support d’un contexte atmosphérique entre l’épicerie parallèle et un sas de night-club en attente ». Parmi les artistes invités, le performeur Abraham Poincheval, récemment programmé au Palais de Tokyo, surplombera ce panorama du haut de son mât de stylite.
www.bigbiennale.ch

2. à lausanne
Circuit

Très représentatif de la scène alternative de la Suisse romande, Circuit a été créé à Lausanne il y a près de 20 ans par un groupe d’artistes, dont chacun a par la suite développé sa pratique individuelle. « Circuit vit toujours aujourd’hui, car ils ont su intégrer des artistes plus jeunes », analyse Olivier Kaeser. La preuve au mois de juin avec « Promesses », un projet en deux temps, celui de l’exposition (Florian Bach) et celui de la performance (Section Lopez) qui lui fait écho. Réaction à la crise des migrants, « Promesses » s’inscrit dans la logique prospective du lieu, qui présente également des expositions en lien avec l’histoire de l’art. Sérigraphies, photographies, CD, vinyles, vidéos… les « Éditions Circuit » (archivées au Musée Jenisch Vevey) mettent, pour leur part, l’art à portée de toutes les bourses.
www.circuit.li

La Placette

Ce lieu off aspire à être un espace de diffusion poétique au milieu de l’espace public, une devanture non commerciale par opposition avec les vitrines « arketing » (à la confluence de l’art et du marketing). Pendant sa première décennie, La Placette (créée en 2004) a ainsi montré les œuvres, du design aux arts visuels, de plus d’une centaine d’artistes de la scène romande. Un véritable vivier dans lequel, l’été dernier, le Centre d’art contemporain d’Yverdon-les-Bains a sélectionné quarante artistes, rassemblés dans une exposition hommage intitulée « La grande place ». La Placette s’est, depuis, dotée d’un espace intérieur où Nathalie Rebholz réalisera, en juin, une performance sonore.
www.laplacette.ch

Standard/Deluxe

Des photographes, une plasticienne et un compositeur forment l’association à l’origine de Standard/Deluxe, qui a fêté ses 10 ans fin 2015, gagnant au fil du temps une forme de pérennité. En plein centre-ville, le lieu, un espace brut et lumineux en arrière-cour, a longtemps privilégié le médium photographique et accueille également des performances et installations sonores. Jusqu’au 4 juin 2017, on y découvre l’imagerie punk de l’artiste plasticien Christophe Lambert, quadragénaire originaire de Bienne et repère de la scène underground alternative. Le 24 juin à 20 h, les amateurs de musique électroacoustique ne manqueront pas la performance du musicien expérimental et performeur italien Valerio Tricoli.
www.standard-deluxe.ch

3. à bâle
SALTS

Très actif pendant Art Basel, ce lieu établi de la scène indépendante propose plusieurs événements en juin : la sculpture est à l’honneur avec les créatures métalliques néo-futuristes de l’artiste française Carolina Mesquita (remarquée à Paris à la Fondation Ricard), et dont c’est la première exposition solo en dehors de l’Hexagone. À voir également les étranges créations in situ de Mélodie Mousset, tumulus de terre et de sable parsemé de globes oculaires géants en céramique, complétés ici d’un film explorant les relations poreuses entre conscient et subconscient.
www.salts.ch

4. à zurich
37 lieux indépendants

L’édition 2017 du guide en ligne des adresses d’art à Zurich recense pas moins de 37 lieux indépendants ! Parmi la nouvelle génération, signalons Plymouth Rock, un « artist run space » tenu par Mitchell Anderson qui programme en juin les constellations poétiques de Ben Rosenthal (récompensé en 2015 du prix Kadist décerné par la Kunsthalle Zürich et la Fondation Kadist. À voir également, Counter Space, espace d’exposition et de production cherchant à se rapprocher au plus près des pratiques de l’atelier, fondé par deux artistes et supervisé par un comité international d’artistes et de curateurs comprenant aussi un juriste. À partir du 14 mai, l’espace est dévolu à la peinture de Rosina Kuhn, connue pour son travail de portraitiste, exposition témoignant de la volonté du lieu de se situer en dehors des modes et des courants.
www.artspaceguide.ch
www.plymouthrockzurich.com
www.counterspace.ch

5. à vevey
Le cas d’école M/2

Au bord du lac Léman, le Musée Jenisch Vevey consacre une exposition au collectif d’artistes M/2, emblématique de la scène indépendante. À l’écart de Lausanne et de Genève, M/2 ouvrit son espace en 1987 dans un appartement de 80 m2 ; il y accueille dès son exposition inaugurale Ugo Rondinone et Silvia Bächli. Visant « l’expérimentation et la recherche dans le domaine des arts visuels », sa riche programmation en fit très vite un lieu important, à une période où les structures dédiées à l’art contemporain faisaient défaut. Après quatre ans d’activités et 38 projets, M/2, faute de subventions, ferma ses portes en 1991, sa fin illustrant la fragilité de ce type de structures. « Tout va bien. M/2 et Stéphan Landry », jusqu’au 11 juin 2017.
www.museejenisch.ch

 

Sélection des expositions à ne pas manquer en Suisse au mois de juin 2017

 

"Martin Disler. Des coups au cœur"
En Plus -  Artiste autodidacte, Martin Disler est allé à contre-courant de son époque. En réaction à la vague minimaliste et conceptuelle du début des années 1980, lui choisit de se consacrer à la figuration à travers ses estampes, ses dessins, ses manuscrits et ses matrices. La figure humaine reste le sujet principal de son travail, malmenée, déformée, elle entre dans un corps-à-corps constant avec la violence, l’amour, la mort. Il n’aura de cesse d’expérimenter et d’interroger l’art, ce que s’attache à rendre l’important fonds du Cabinet d’arts graphiques du Musée d’art et d’histoire de Genève (jusqu’au 30 juillet 2017).
M. F.
 
"Swiss Pop"
En Plus - Si le pop art naît en Angleterre en 1956, son influence sur l’art en Suisse est loin d’être négligeable. Le Mamco propose, jusqu’au 10 juillet 2017, de découvrir ou de redécouvrir à cet effet des artistes comme Rico Weber, Jean Tinguely, Meret Oppenheim, Daniel Spoerri, Alfred Hofkunst, Hans Ruedi Giger ou encore Hermann Rorschach. En écho, se déploient sur les différents étages du musée une rétrospective consacrée à l’artiste américain Kelley Walker, une proposition de Samuel Gross et des images et des dispositifs photographiques du collectif canadien General Idea. Une « Pictures Generation » qui n’a pas fini de faire parler d’elle.
Marie Frumholtz
 
"Jérôme Zonder.The Dancing Room"
En Plus -  La danse macabre et un sujet de longue tradition à Bâle. Jérôme Zonder se l’est réappropriée avec humour et lucidité sur l’horreur dont est capable l’être humain. Les peintres Jérôme Bosch, Paul McCarthy ou Otto Dix comptent parmi ses inspirations premières, et aussi peut-être Frank Darabont et Robert Kirkman, créateurs de la série The Walking Dead. Ses dessins grotesques et morbides sont exposés, au Musée Tinguely, aux côtés de l’œuvre de Jean Tinguely Mengele-Totentanz (1986), du 7 juin au 1er novembre 2017.
Marie Frumholtz
 
Art Basel,foire monstre
En Plus -  Art Basel conserve une place à part parmi les quelque 150 foires importantes qui ont lieu chaque année. 291 galeries de 34 nationalités en provenance des six continents seront présentes sur cette 48e édition, offrant un panorama de l’art du XXe siècle à nos jours épuisant tous les superlatifs. Les collectionneurs, eux aussi, viennent du monde entier : d’Europe et des États-Unis, mais aussi désormais d’Afrique, de Russie, d’Iran, du Liban, du Japon, de Corée, des Philippines et de Thaïlande. Pour les marchands, l’occasion est unique de vendre leurs pièces les plus exceptionnelles (41 % de leurs transactions se font désormais sur les foires, un chiffre en constante augmentation d’après The Art Basel and UBS Global Art Market Report effectué en 2016). Art Basel exerce également une attraction toute particulière sur les institutionnels, qui se pressent sur son secteur Unlimited, dédié aux projets hors normes : installations d’artistes confirmés (Doug Aitken, Subodh Gupta, Sue Williamson…), ou émergents, telle Donna Huanca dont les tableaux vivants Bliss (Reality Check) entendent placer le visiteur à mi-chemin entre passivité et participation.
A.-C. S.
 
« Art Basel »,
du 15 au 18 juin 2017. Messe Basel, Messeplatz, 10, Bâle (Suisse). Ouvert de 11 h à 19 h. Prix d’entrée pour une journée : 55 € (60 CHF) sur place et 46 € (50 CHF) en ligne, après 17 h : 26 € (28 CHF). www.artbasel.com
"Action !"
En Plus -  Qui a dit que l’art devait rester figé entre quatre murs ? Certainement pas Allan Kaprow ! Sa volonté de transformer les musées modernes en « agency for action », qu’il formule en 1967, reste d’actualité au Kunsthaus de Zurich (du 23 juin au 30 juillet 2017). Performances, happenings et actions artistiques des années 1960 et 1970, recréés pour l’occasion, comme ceux de Yoko Ono ou de Trisha Brown, incitent à dialoguer avec les artistes performeurs contemporains. De spectateur passif, le visiteur est tiré hors de sa zone de confort, poussé à l’action par les œuvres elles-mêmes. Une exposition brève mais qui a de quoi surprendre.
Marie Frumholtz
 
À Sion - "En marche.Faire un pas, c’est faire un choix"
En Plus -  Liberté de se mouvoir et incarcération, deux actions en complète contradiction et qui, pourtant, permettent de comprendre à quel point les espaces de création peuvent interpeller. Loin d’être un geste anodin, la marche est un acte engagé, créatif, poétique et écologique aussi. Hamish Fulton en a fait le cœur de sa démarche artistique : « No walk, no art », scande-t-il depuis les années 1970. Sans laisser d’autre empreinte que ses photographies documentaires, il nous transmet, au Pénitencier de Sion (jusqu’au 7 janvier 2018), son expérience intime de marcheur, à la rencontre des autres, mais aussi de soi-même.
M. F.
 

 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°702 du 1 juin 2017, avec le titre suivant : La Suisse, hors des sentiers battus

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