À Martigny, Philippe Dagen, historien et critique d’art, est commissaire d’une exposition-conversation entre Monet, Munch et le grand nom de la peinture moderne suisse, Hodler.
Philippe Dagen : Anecdotiquement, j’avais écrit dans un article du Monde, après la visite d’une exposition Hodler chez Beyeler, qu’il était un peintre dont on aimerait voir les tableaux accrochés à côté de ceux de Monet afin de mesurer la puissance chromatique d’Hodler. Quand il m’a été offert de convertir cette hypothèse de travail en exposition [l’exposition a été présentée en 2016 au Musée Marmottan-Monet, à Paris], j’ai pensé qu’une confrontation en face à face ne serait pas suffisante et que Munch, contemporain de Monet et d’Hodler, serait le meilleur interlocuteur en raison d’un certain nombre de sujets traités, comme peindre devant le soleil.
Philippe Dagen : J’ai été stupéfait de voir à quel point Hodler était, en France, mal connu. C’est d’autant plus inexplicable à mes yeux qu’il y a été exposé, notamment lors d’une rétrospective à Orsay en 2007. Pourtant, sa peinture de paysage a apporté une quantité d’hypothèses picturales – la géométrisation de la composition, la simplification très radicale des formes et, en même temps, une intensité de la couleur plus suggestive qu’imitative – qui le placent parmi les grands expérimentateurs de la peinture.
Philippe Dagen : Hodler n’aurait pas pu être Hodler s’il avait vécu cinquante ans plus tôt. Il y a des lieux, des points de vue d’altitude, auxquels le peintre n’aurait pas pu accéder, ou plus difficilement. Hodler aurait donc eu un rapport à la nature moins libre que celui dont il a bénéficié grâce, notamment, au chemin de fer. D’ailleurs, Monet ne serait probablement pas allé en Norvège s’il avait voyagé en 1820 : cela lui aurait pris beaucoup plus de temps, pour un voyage plus aléatoire. Lorsque Monet fait le voyage en 1895, les trains arrivent à l’heure ! Ce qui a été déterminant pour Hodler est moins de vivre en Suisse que d’y vivre à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Par ailleurs, qu’il ait eu conscience que le paysage des montagnes suisses avait été, avant lui, abordé de loin et d’en bas, c’est certain. De ce point de vue, le relief, la géologie, la climatologie même, ont eu des conséquences sur sa peinture.Lors du vernissage de l’exposition à la Fondation Gianadda, j’ai été très frappé de constater à quel point Hodler a conservé, pour les visiteurs suisses, un statut de grand « peintre national » ; c’est lui qui a introduit une certaine image de la Confédération helvétique dans la peinture moderne. Rôle que l’on ne peut pas attribuer à Vallotton, l’autre grand peintre contemporain suisse.
Philippe Dagen : En un sens oui. Il a peint des paysages verticaux du lac Léman qui sont fabuleux, où l’on accède à un sentiment de l’espace que très très peu d’artistes, en dehors de lui, sont arrivés à transmettre.
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Hodler a conservé, en Suisse, un statut de grand « peintre national »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°702 du 1 juin 2017, avec le titre suivant : Hodler a conservé, en Suisse, un statut de grand "peintre national"