PARIS
Vous soutenez un projet d’implantation de galeries sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt. Quelles en sont les motivations ?
En général, les raisons qu’on donne pour expliquer le manque de dynamisme en France ne sont pas les bonnes. On prétend qu’il n’y a pas de collectionneurs, alors qu’il y en a beaucoup. On prétend qu’il n’y a pas de bons artistes, alors qu’ils sont excellents. On cherche aussi les solutions dans la mauvaise direction. Il ne faut pas s’acharner à exporter, mais plutôt pousser les étrangers à venir acheter en France. Il faut impressionner de l’intérieur. Nous exerçons une profession qui ne peut se faire sans espace. Les lieux disponibles dans Paris intra-muros sont très limités, ce qui oblige les jeunes galeries à trouver des sorties de secours, rue Saint-Claude par exemple. Ces gens payent pour des locaux de 40 m2 ce que nous payions voilà vingt ans pour des espaces de 600 à 700 m2. Aujourd’hui, une jeune galerie qui ouvre est condamnée à 50 m2. Or dans un tel espace, il n’y a pas la place pour la règle de quatre : un quart est destiné à la salle d’exposition, un quart au showroom, un quart aux bureaux et un dernier quart aux réserves. Les collectionneurs sont habitués à l’urbanisme de Berlin, Londres ou New York. Ils arrivent ici et se retrouvent dans de toutes petites structures. Or on ne peut pas mener cette activité sur un plan international dans un espace inférieur à 200 m2. Les galeries doivent se déplacer et créer un « Chelsea ». Il faut créer l’événement, la sensation du spectacle. Car les gens regardent les choses psychologiquement et non objectivement.
Les grandes galeries et les collectionneurs accepteront-ils d’aller jusqu’à l’île Seguin ?
Je connais au moins une vingtaine de galeries du Marais intéressées par ce projet. Un jour, nous serons chassés de ce quartier par les magasins de luxe. Peu de galeristes ici sont propriétaires de leurs murs. Dans un bâtiment industriel de 30 000 m2, on pourrait loger 50 à 60 galeries avec, pour chacune, une superficie de 300 à 600 m2. Pour que les galeries achètent sur l’île Seguin, le prix doit être bas. Aujourd’hui, on peut faire des constructions à 1 500 euros le mètre carré. Une jeune galerie qui voudrait acheter 300 m2 n’aurait plus à payer que 450 000 euros, soit, si elle fait un emprunt sur vingt ans, 2 500 euros par mois. Le discours que je tiens aux grosses galeries est simple. Elles peuvent acheter un espace pour en faire un showroom ou des réserves, alors qu’elles possèdent des stocks à droite et à gauche et qu’elles doivent payer très cher les transitaires. En ce qui concerne les collectionneurs, notamment les étrangers qui descendent dans des hôtels du 8e arrondissement, les voies sont plus rapides pour aller sur l’île Seguin que dans le Marais, surtout un samedi après-midi. Cette idée n’est pas utopique. L’association Galeries Mode d’emploi est en train d’envoyer des courriers d’intention à Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy, Jean-Pierre Fourcade, Renaud Donnedieu de Vabres, Olivier Kaeppelin et Daniel Janicot. Pour l’instant, personne n’est opposé à ce projet.
« La réserve », que vous avez inaugurée l’an dernier à Pacy-sur-Eure (Eure), participe-t-elle de la même stratégie ?
En achetant le bâtiment voilà trois ans, je me suis dit que je pourrais y construire des réserves de 1 000 m2. À cela s’ajoutent 1 000 m2 supplémentaires de salles d’exposition. Le bâtiment s’appelle « La réserve », et non « Xippas », car je veux y faire des manifestations avec la complicité d’autres enseignes. En octobre 2007, au moment de la FIAC, Régis Durand y organisera une exposition avec environ 25 galeries. Je veux un lieu événementiel qui fédère d’autres confrères, pour prouver que les galeries peuvent très bien s’entendre. Je veux que cela fasse du bruit.
Vous parlez souvent d’événementiel ou de glamour, des mots empruntés au luxe.
Avant de m’installer à Paris, Paris était pour moi la capitale de l’art, du luxe, du superbe. Enfant, j’avais rêvé de ce glamour, et je voulais venir le voir de près. La France a inventé une attitude, une marque. Or, en intégrant le monde de l’art, je me suis rendu compte qu’il était à l’opposé du principe du spectacle. Voilà vingt ans, la France souffrait d’une attitude de looser. Le soutien de l’État a apporté un arrêt presque cardiaque au dynamisme, à l’envie de lutter. Un marché se lance en suscitant le désir, on a besoin de stars dans notre métier. Une galerie n’a pas besoin d’être une marque, mais si elle le devient, tant mieux.
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Renos Xippas, galeriste d’art contemporain à Paris, Pacy, Athènes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°249 du 15 décembre 2006, avec le titre suivant : Renos Xippas, galeriste d’art contemporain à Paris, Pacy, Athènes