La décision a été rendue publique le 27 février : c’est à l’architecte berlinois Daniel Libeskind que revient de mener la reconstruction du site du World Trade Center, à New York. La dernière phase du concours opposait le Studio Daniel Libeskind et Think, une équipe constituée pour l’occasion et menée par Rafael Vinoly, Shigeru Ban, Frederic Schwartz et Ken Smith.
La proposition de Think était de construire un World Cultural Center à l’emplacement du World Trade Center, avec notamment l’élévation de deux tours en treillage reprenant la forme des Twin Towers et servant de support à un jardin suspendu. Le projet de Daniel Libeskind est resté beaucoup plus proche des aspirations des autorités locales et notamment de celles de Michael Bloomberg, maire de
New York, et de George Pataki, gouverneur de l’État. Intitulé Fondations de la mémoire, ce projet conserve les hectares dévastés que l’on appelle Ground Zero, où les travaux de déblaiement et d’assainissement ont laisséune immense fosse profonde de 20 mètres. En proposant de garder cette cicatrice ouverte, dans laquelle viendra s’inscrire un jardin, Daniel Libeskind entend rendre un hommage permanent aux quelque trois mille victimes des attentats, mais aussi à ceux qui ont participé à l’effort de reconstruction. Il prévoit aussi l’édification du plus haut gratte-ciel au monde qui culminerait, grâce à une flèche inhabitée, à 540 mètres.
Les environs immédiats du jardin incluraient des installations culturelles et la forme des immeubles devrait permettre au soleil d’éclairer le jardin au matin de chaque 11 septembre, sans qu’y soit portée une seule ombre.
Encore faut-il préciser que tout cela n’est pas même un avant-projet, mais simplement une idée directrice et générale pour un chantier qui va durer entre dix et douze ans.
Le Studio Daniel Libeskind, qui va maintenant installer ses bureaux à New York, supervisera certes
les travaux et tous les projets immobiliers qui viendront se greffer au sien. Mais il y a encore tant d’incertitudes programmatiques qu’il est impossible de dire aujourd’hui à quoi le World Trade Center ressemblera à terme.
Beaucoup de voix, notamment celles d’architectes, se sont à juste titre élevées contre la façon dont
le concours a été organisé et présenté au public, arguant que le problème a été pris à l’envers.
Parmi ceux-là, l’architecte français Bernard Tschumi, qui faisait partie d’une équipe semi-finaliste, s’exprimait dans le New York Times : « Ils partent d’un design et espèrent à la fin arriver à un programme. » Le cahier des charges était en effet pour le moins sibyllin. Il ne faisait pas mention de surfaces précises de bureaux ou d’espaces commerciaux, ni même de limites budgétaires. Tout au plus était-il précisé que les propositions devaient inclure une nouvelle station de métro, des espaces commerciaux au rez-de-chaussée, rétablir un signal fort dans le skyline de New York et ménager un espace pour un mémorial qui ferait l’objet d’un autre concours.
Il s’agissait avant tout de créer un contexte urbanistique favorable au développement et à la revitalisation du site. Or, le déroulement du concours, sur lequel pesait autant d’affect que d’intérêts financiers, pouvait laisser penser le contraire.
Après l’appel à candidature lancé en août dernier par la Lower Manhattan Development Corporation, sept équipes d’architectes ont été sélectionnées parmi plus de quatre cents projets. La présentation de ces projets a fait l’objet le 18 décembre d’un show télévisé de trois heures, du jamais vu. Puis ils ont été exposés pendant plus d’un mois dans le jardin d’hiver du World Financial Center, avec une vue imprenable sur le site à reconstruire. De forums en assises et jusqu’à l’exposition des projets, où des bulletins étaient à la disposition du public, les autorités locales ont invité les New-Yorkais, et particulièrement les familles des victimes du 11 septembre, à se prononcer. Mais l’exposition des projets, à grand renfort d’images de synthèse, de maquettes et de vidéos, pouvait laisser croire au public que ce qu’il voyait serait réalisé tel quel, alors que vont faire surface des questions programmatiques, politiques et financières qui influeront sur l’allure définitive du projet. Le concours pour un mémorial aux victimes, qui viendra s’inscrire dans le jardin prévu par Daniel Libeskind, sera lancé ce printemps et le projet gagnant devrait être choisi le 11 septembre de cette année.
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World Trade Center, projet définitif ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°546 du 1 avril 2003, avec le titre suivant : World Trade Center, projet définitif ?