Watteau fantôme

Vraisemblablement, non loin de l’actuelle préfecture. Au début du XXe siècle, peu avant le début de la Première Guerre mondiale, les sœurs Jeanne et Madeleine Champion-Smith ont l’idée de faire plutôt mourir le peintre sur leurs terres. Propriétaires d’un domaine nogentais dont le vaste parc est menacé par un projet d’aménagement de route, elles souhaitent, grâce à ce leurre, le faire classer pour le préserver. Éditant des cartes postales du site défiguré par le tracé de la voie et menant campagne dans Le Figaro, elles obtiennent gain de cause, soutenues dans leur entreprise par Pierre Champion, le mari de Madeleine, qui est historien. À leur mort, dans les années 1940, les deux sœurs lèguent leur propriété à l’État dans un testament qui précise qu’elle doit permettre d’accueillir en résidence les artistes démunis. La Fondation nationale des arts graphiques et plastiques (FNAGP) est née de ce legs – joint à celui de la famille Rothschild. À Nogent-sur-Marne, la FNAGP comprend une maison de retraite pour les artistes, une bibliothèque et un lieu d’exposition, la Maison des arts Bernard Anthonioz (Maba), qui accueille à partir du 18 mai une exposition d’art contemporain placée sous la figure tutélaire de… Watteau. Rappelant l’anecdote de cette fiction nécrologique, la prenant, même, non sans ironie, pour point de départ, la Maba invite huit artistes autour du thème du théâtron, lieu de la représentation. L’héritage de Watteau est ainsi le prétexte à une déambulation libre entre décor et coulisses, réalité et imaginaire, qui s’aventure jusqu’à la marge. Une façon d’invoquer l’histoire de l’art, sans l’instrumentaliser.