Photographie

Vivian Maier, un regard aiguisé sur l’Amérique

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2021 - 607 mots

PARIS

Le Musée du Luxembourg présente de nombreux inédits de la photographe américaine des années 1950 à 1980.

Paris. L’exposition « Vivian Maier » au Musée du Luxembourg précise et élargit la réflexion menée depuis 2011 sur la vie et l’œuvre de la célèbre nourrice d’enfants et photographe de génie. Les donations successives de John Maloof à la bibliothèque de l’Université de Chicago permettent des investigations dans ces archives. Mais, plus encore, le règlement de la succession et la finalisation de la numérisation du fonds photographique, des films et des enregistrements sonores offrent aujourd’hui une visibilité complète de l’œuvre, depuis les premières photographies à la fin des années 1940 réalisées dans la vallée du Champsaur en France jusqu’aux dernières prises à Chicago au début des années 1990.

Si Vivian Maier (New York,1926-Chicago, 2009) a été une photographe prolifique, elle a fait peu de tirages. Ses archives contiennent surtout des négatifs, diapositives et films non développés et non légendés pour la plupart. Le développement de tous ces négatifs apporte un nouveau regard sur son travail.

Un « animal urbain »

La part d’inédits dans les œuvres présentées au Musée du Luxembourg est considérable : près de 90 %, y compris dans les tirages vintage, au nombre de 70 sur les 278 images exposées. Les tirages de 2020 dominent, issus de pans entiers de travaux de Vivian Maier non développés. Anne Morin, commissaire de l’exposition, comme de celles programmées en février 2022 aux Musées de Quimper et de Pont-Aven, s’appuie sur ces inédits pour approfondir sa lecture de l’œuvre.

Des premières images réalisées dans les Alpes, de celles qu’elle a prises de sa famille ou émanant des documents mis au jour par Ann Marks à New York et en France, le visiteur ne verra toutefois rien. Nul élément biographique ne figure non plus dans le parcours. « On n’est pas dans une biographie de Vivian Maier illustrée, on est dans une “Vivian Maier urbaine” », explique Anne Morin. « Certes, dès les premières photos faites dans la vallée du Champsaur, l’écriture photographique est déjà assise. Mais l’étude du tour du monde qu’elle mène en 1959 montre qu’elle n’a pas la même intuition ni la même sensibilité que celles qu’elle développe à New York ou à Chicago. Vivian Maier est un animal urbain », dit-elle. De fait, l’œil est aiguisé, franc et mordant, espiègle et joueur aussi. Jamais au repos, il est curieux de tout et talentueux dans tous les genres, y compris dans ses autoportraits. Les demeures des familles qui l’emploient, les enfants dont elle s’occupe et la rue sont les cadres privilégiés de ses prises de vue et expérimentations.

Le spectre de l’œuvre se révèle large, riche dans ses recherches formelles, centres d’intérêt et évolutions, virant au conceptuel dès les années 1970. C’est l’autre grande force de l’exposition que de montrer cette diversité et cette capacité de la photographe à se renouveler, que ce soit en noir et blanc ou en couleurs, dans son approche des enfants ou son regard sur les ségrégations dans la société américaine. L’intérêt qu’elle portait aux mains, aux gestes ou aux chapeaux, et, dans un autre registre, aux « unes » des journaux, se révèle ainsi surprenant. Étonnants en particulier sont la série de 1975 sur les couvertures de quotidiens ainsi que le film Super-8 dont le point de vue est uniquement axé sur les jambes des passants, portrait social en creux d’une société américaine qu’elle n’a cessé d’appréhender dans ses différentes composantes.

Ailleurs, des enregistrements sonores réalisés parfois avec ceux ou celles qu’elle a photographiés font entendre sa voix. À quoi étaient-ils destinés ? On l’ignore. L’autodidacte a essayé un temps de devenir photographe professionnelle. En vain, sans pour autant renoncer à la photographie.

Vivian Maier,
jusqu’au 16 janvier 2022, Musée du Luxembourg, 19, rue Vaugirard, 75006 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°575 du 15 octobre 2021, avec le titre suivant : Vivian Maier, un regard aiguisé sur l’Amérique

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