Vincent Delieuvin - Conservateur au département des Peintures du Louvre

Isabelle Manca : Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur les dernières années de la carrière de Raphaël ?
Vincent Delieuvin : C’est un projet inédit ! Personne n’a jamais osé le faire en raison de la difficulté à obtenir les prêts, car ses œuvres tardives sont devenues des icônes. Il y a déjà eu des expositions dédiées au début de la carrière de Raphaël, mais aucune n’avait été consacrée à ses années de maturité, où il est au sommet de sa gloire. Il est alors non seulement l’artiste le plus influent de Rome, mais aussi le plus polyvalent : peintre de chevalet, de grands décors, mais également sculpteur, architecte et même archéologue.

I.M. : Pourquoi accordez-vous une place si importante à ses élèves ?
V.D. : Si l’on occulte la question des réattributions et du travail de ses collaborateurs, on passe à côté de ce qu’a été Raphaël au sommet de sa carrière : le chef d’un atelier employant jusqu’à cinquante personnes. C’est aussi lui rendre justice que de montrer qu’il a été un grand découvreur de talents ; un homme généreux qui n’hésitait pas à déléguer des commandes prestigieuses à ses élèves sans craindre l’ombre qu’ils pourraient lui faire.

I.M. : Raphaël n’est donc pas un génie solitaire ?
V.D. : Il en est même l’antithèse ! Raphaël est un artiste très ouvert, réceptif à de multiples influences, c’est en partie ce qui fait la beauté et la force de son art. Il a su capter le meilleur chez ses aînés et ses contemporains : le chromatisme et la douceur de Léonard, l’expressivité et le modelé de Michel-Ange, et la noblesse des œuvres antiques que l’on redécouvre à l’époque.