La résurrection de Vasarely (1906-1997) s’avère totalement réussie : le public doit s’armer de patience dans une longue file d’attente avant de pouvoir enfin pénétrer dans cette vaste exposition qui permet de redécouvrir cette star, omniprésente jusqu’à l’indigestion dans les années 1970, puis très vite tombée dans l’oubli.
Il est étonnant de voir à quel point les deux commissaires de l’expo, Michel Gauthier et Arnauld Pierre, parviennent à présenter les œuvres a priori très datées de « l’inventeur » de l’art optico-cinétique comme une suite de réalisations attractives, séduisantes, et même parfois déroutantes aujourd’hui encore. Cette résurrection, c’est la loi du genre, passe bien sûr par la réécriture d’une histoire et la fabrication d’une légende. Ainsi, les trente premières années de recherche de l’artiste, déjà totalement influencé par les préceptes du Bauhaus, sont évoquées par quarante-trois œuvres présentées serrées et peu mises en valeur dans l’entrée de l’exposition. Le public est informé de l’influence de l’enseignement du Bauhaus sans pouvoir en évaluer l’importance. Vasarely a non seulement été « influencé » par le Bauhaus, mais, à partir des années 1950, il a développé des recherches avec logique, intelligence et esprit de système sans rien inventer formellement de vraiment nouveau. Dans l’eau, un projet de tableau de verre de Josef Albers, professeur au Bauhaus, daté de 1927, préfigure et ressemble à s’y méprendre aux recherches de Vasarely des années 1955-1960. En tout cas, cette exposition très attrayante, imbriquant beaux-arts, arts appliqués, arts décoratifs et architecture, permet de mesurer la variété et la multiplicité des réalisations de Vasarely à partir des idées et des principes du Bauhaus. Comment ne pas être étonné qu’une œuvre aussi magistrale ait pu si vite tomber dans l’oubli ? Cette « traversée du désert » a de multiples causes, mais la volonté de l’artiste d’échapper aux contraintes exercées par le « milieu » de l’art et de s’affranchir des galeries pour commercialiser son œuvre n’y fut pas étrangère. Créé à cette fin en 1978 à New York sur Madison Avenue, le Vasarely Center doit fermer dix ans plus tard. Et le peintre a perdu dans l’aventure le prestigieux appui des galeries Sidney Janis et Pace.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°722 du 1 avril 2019, avec le titre suivant : Victor Vasarely séduisant en diable