Versailles scrute Molière

En lieu et place du redouté panégyrique, la cité du Roi-Soleil propose ainsi une exposition aussi inattendue que stimulante. Gageons que l’auteur, qui conspuait les flagorneurs, aurait goûté cet hommage original, qui exprime un trait d’esprit cher au célèbre auteur : l’irrévérence. « Décaper le mythe », tel est en effet l’objectif revendiqué de son commissaire, Martial Poirson. C’est peu dire que le pédigrée de ce professeur d’histoire culturelle et d’études théâtrales, lui-même dramaturge, détonne dans l’univers des commissaires d’exposition. Et c’est tant mieux, car ce positionnement atypique apporte un regard dépoussiéré sur le sujet et la manière de l’appréhender. Son approche naît d’un constat paradoxal : l’écrivain de théâtre de langue française le plus lu, le plus joué et le plus traduit, celui qui a le plus inspiré les artistes et sur lequel on a le plus glosé, est en réalité une énigme. Pis, presque un mensonge, car tout ce que l’on croit connaître de Molière est faux. « De l’homme on ne sait presque rien, du comédien fort peu de choses, quant à l’auteur il n’a laissé aucun manuscrit. Un vide qui autorise toutes les affabulations. » Et ce dès son vivant. Ensuite, le temps a fait le reste, et chaque époque a projeté sur Jean-Baptiste Poquelin son flot de légendes. L’exposition s’attelle à les détricoter pour tenter de percer le mystère de cet illustre inconnu. Le parcours fait l’archéologie de quatre siècles de construction mythologique en confrontant deux cents objets. Documents, tableaux, sculptures, mais aussi reconstitutions de décors, photographies et caricatures témoignent de son omniprésence dans notre univers mental. Les beaux espaces de l’ancien hôpital Richaud constituent un écrin seyant à cette démonstration. Mention spéciale pour sa rotonde qui sublime de spectaculaires costumes, qui apportent une touche d’incarnation fort poétique.