VENISE / ITALIE
Aventurier vénitien, Nicolò Manucci a écrit ses mémoires dont les manuscrits sont réunis pour la première fois au Palazzo Vendramin Grimani.
Venise, Italie. La Fondazione dell’Albero d’Oro à Venise consacre une exposition à la vie aventureuse du Vénitien Nicolò Manucci (1638-1720), qui a quitté la Sérénissime en direction de l’Inde, où il rédigera ses mémoires.
Nicolò Manucci n’est pas un riche négociant comme son illustre compatriote, Marco Polo, qui l’a précédé dans le panthéon des grands voyageurs. D’origine modeste, il est animé par le désir de découvrir le monde et s’embarque clandestinement, à l’âge de treize ans, sur un navire mettant les voiles vers Smyrne (aujourd’hui Izmir, en Turquie). Découvert, il est menacé d’être jeté par-dessus bord par l’équipage et ne doit son salut qu’à un aristocrate anglais présent à bord, envoyé par le roi Charles II auprès du shah de Perse et de l’empereur Moghol pour négocier une aide. C’est le début d’une destinée hors du commun au cours de laquelle il est canonnier, puis médecin à la cour du Grand Moghol avant de jouer un rôle en tant que traducteur et intermédiaire avec les représentants des colonies portugaises, anglaises et françaises en Inde. Il se retire à la fin de sa vie à Pondichéry, sans jamais avoir revu sa ville natale. Il y écrit Storia do Mogor, un ouvrage qui offre une description détaillée des contrées traversées et des cours fréquentées. Nicolò Manucci commande à des artistes indiens un vaste corpus de miniatures à envoyer en Europe pour accompagner visuellement ses manuscrits. Un véritable carnet de voyage que Blaise Cendrars érige au rang des plus grands livres d’aventures vécues de toutes les littératures.
L’exposition qui se tient au Palazzo Vendramin Grimani, l’un des plus beaux palais du Grand Canal, retrace à la fois le foisonnement de cette aventure humaine et la richesse du contexte dans laquelle elle s’est inscrite. De nombreux objets et meubles de l’Inde du XVIIe siècle sont rassemblés au sein d’un parcours de visite didactique destiné au grand public qui se familiarisera avec un monde et une culture méconnue. Les érudits déçus se consoleront par le mérite de cette exposition : celui d’avoir rassemblé et présenté pour la première fois les manuscrits qui constituent la version originale de la Storia do Mogor ainsi que leurs transcriptions ultérieures, le Libro nero et le Libro rosso. Ils sont respectivement conservés à la Staatsbibliothek de Berlin, à la Biblioteca Nazionale Marciana de Venise et à la Bibliothèque nationale de France.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°616 du 8 septembre 2023, avec le titre suivant : Venise célèbre son « Marco Polo de l’Inde »