ORLÉANS
Si la rétrospective de Patrick Bouchain, invité d’honneur des Turbulences, est une réussite, la première édition de la manifestation pâtit d’un hermétisme qui pourra décourager le grand public.
Orléans. Après les Rencontres internationales d’architecture Archilab (qui eurent lieu entre 1999 et 2013), la ville d’Orléans se pique à nouveau d’architecture en lançant, cette année, une nouvelle manifestation : une « Biennale d’architecture ». D’aucuns seraient tout de suite tentés de se demander : à quoi sert une biennale d’architecture ? Interrogation balayée par Abdelkader Damani, directeur du Frac Centre-Val de Loire et co-commissaire avec Luca Galorao de cette première édition : « Nous ne sommes pas des animaux qui vivons hors du monde, l’architecture construit le monde, elle a donc un rôle fondamental, tranche-t-il. Il était important que la France ait sa propre biennale d’architecture. Une biennale est nécessaire pour poser cette question urgente de la construction du monde. Elle permet de reconsidérer de manière régulière notre rapport à cette discipline. L’architecture est la seule forme d’art qui a cette capacité d’être une ritournelle permanente entre fiction et réalité, la seule aussi qui fait face à 7,5 milliards de censeurs. » Dont acte !
Intitulé « Marcher dans le rêve d’un autre » et visible dans une dizaine de lieux de la ville ou de la région Centre-Val-de-Loire, ce premier opus réunit les travaux de plus de 70 architectes datant des années 1950 à nos jours, et rend un hommage appuyé à la scène expérimentale espagnole.
« Reconsidérer notre rapport à cette discipline », selon les vœux d’Abdelkader Damani, nécessite, en particulier pour le grand public, de lui donner quelques clés de lecture. La majorité des projets, expérimentaux, se révèlent en effet pointus, voire abscons. On aura par ailleurs du mal à déceler un fil rouge commun à l’ensemble des propositions. Dans la collégiale Saint-Pierre-le-Puellier, par exemple, l’installation Par ordre d’apparition du Libanais Bernard Khoury, soit 16 boîtes sonores qui diffusent la voix de l’architecte relatant sa rencontre avec un « protagoniste » lié à tel ou tel projet – le jeune entrepreneur, le galeriste, etc. –, est censée « favoriser l’expression de mondes polysémiques », tandis que deux mystérieux prototypes baptisés Histoires de planchers volants, du Grec Aristide Antonas, sont suspendus comme en lévitation. Le visiteur se délectera néanmoins, ici, des splendides dessins du Slovaque Jozef Jankovic, récemment disparu. De même au Frac (Fonds régional d’art contemporain) Centre-Val de Loire où, dans l’ex-bâtiment des Subsistances militaires, sont déployés divers projets déclinés sous la forme de thématiques : « Paysages », « Émotions », « Architectures », etc. Si la maquette avant-gardiste d’un hôtel à Abou Dhabi, signée en 1976 par José Miguel de Prada Poole, affiche déjà quelques critères – de mauvais goût – que la capitale des Émirats arabes unis arbore aujourd’hui, les Tours de paysage : stratifiée, réticulée, coulée, excavée, en béton, du duo Ensamble Studio, « maquettes expérimentales intensifiant les qualités propres au paysage naturel par un processus de production mimétique », pourront paraître un brin énigmatiques au néophyte, lequel risque ainsi de rester sur le bas-côté.
Pour parer, sans doute, à ce type de critiques, la Biennale a sorti un joker de taille : une vaste rétrospective monographique du Français Patrick Bouchain, 72 ans, auteur, entre autres, de la réhabilitation du centre d’art La Condition publique, à Roubaix (Nord), et du cirque de l’Académie Fratellini, à La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Vaste, car l’architecte a légué fin 2016 au Frac (lire le JdA no 469, 9 décembre 2016) toutes ses archives ou presque – le projet du Théâtre du Centaure, à Marseille, chapiteau de spectacle équestre démontable, qui comprend maquette, photographies et carnets de dessins, a lui été vendu. Un volume qui équivaut à « deux box de parking pleins, soit 900 pièces en tous genres », souligne Patrick Bouchain. D’où cette imposante exposition qui réunit sur quelque 400 mètres carrés : 32 maquettes, pas moins de 140 projets, ainsi qu’une multitude de photographies et de merveilleux carnets à dessins. Moins expérimentale, certes, que le reste de la Biennale, cette présentation dessine pourtant à l’envi le parcours d’un architecte, en particulier d’une moins connue genèse africaine qui fondera sa réflexion architecturale future et perdurera, sous une forme (esthétique) ou sous une autre (pensée), tout au long de sa vie. Jubilatoire !
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Une première Biennale d’architecture à double face
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Abonnez-vous dès 1 €Vues de l'exposition-hommage aÌ€ Patrick Bouchain, Biennale d'Architecture d'OrleÌans 2017, Frac Centre-Val de Loire © Photo : Blaise Adilon
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°490 du 1 décembre 2017, avec le titre suivant : Une première Biennale d’architecture à double face