À la littérature, au cinéma et à l’histoire de l’art, Walt Disney a emprunté de très nombreux modèles pour les transformer, d’un coup de baguette magique, au service de ses propres créations.
Mickey, Pluto, Donald, Blanche-Neige, les 101 Dalmatiens… C’est tout un peuple de figures mythiques auxquelles Walt Disney a donné la vie, et c’est une véritable mythologie contemporaine qu’il a composée. Une mythologie en phase avec cet american way of life qui conjugue la culture sur le mode massif et qui fera les choux gras du Pop Art.
Des symboles universels
Avec Disney, l’imagerie caricaturale de ses prédécesseurs se plie à des formes plus élaborées de cocasserie et de gentillesse pastorale. Ses créatures procèdent de quelque chose de fabuleux qui puisent leur essence dans des sources littéraires et cinématographiques.
Si ses dessins animés relèvent d’une culture de masse dont les scénarios en appellent à des archétypes narratifs élémentaires, ses longs métrages ont recours à une esthétique plus élaborée.
Cultures populaire et savante s’y mêlent dans un jeu d’influences réciproques totalement innovant. C’est du moins ce que cherche à démontrer l’exposition « Il était une fois Walt Disney », présentée cet
automne au Grand Palais, en rapprochant des dessins originaux d’un certain nombre de créations littéraires et visuelles.
À cet égard, Blanche-Neige et les sept nains, réalisé entre 1934 et 1937, premier long métrage d’animation de l’histoire du cinéma, est le film le plus intéressant de l’imaginaire Disney. Inspiré principalement de la version des frères Grimm, ce film rassemble tout un lot d’ingrédients convenus. « Pomme biblique et satanique, sorcière maléfique dépositaire de l’objet, miroir narcissique, colonie de vacances revisitant les péchés capitaux via sept nains en forme de troublants apôtres et, évidemment, une Blanche-Neige immaculée, christique embarquée dans une sordide histoire », analyse Didier Rochet. De fait, tout est d’un universalisme iconographique dans Blanche-Neige qui explique, notamment, son immense succès international.
Des décors de maîtres
Si l’influence des illustrateurs du passé – tels Grandville, Doré ou Potter – est patente chez Walt Disney, celle de la littérature l’est encore plus. Il a puisé aux sources des plus grands classiques européens. Il a emprunté plus ou moins explicitement aux Fables d’Ésope pour les premiers courts métrages, directement aux Contes de Charles Perrault pour La Belle au bois dormant et pour Cendrillon, au Pinocchio de Collodi et, par ailleurs, au Livre de la jungle de Kipling. Il a su chaque fois y apposer sa marque, en mêlant ses références entre elles, fixant ici un aspect physique, là un trait de caractère.
Côté cinéma, Walt Disney connaît les chronophotographies de Muybridge et de Marey, les praxinoscopes de Reynaud. Il a vu Fantasmagorie réalisé en 1908 par Emile Cohl, le premier dessin animé de l’histoire. Il sait la dette qu’il lui doit, ne serait-ce que l’esprit d’invention si caractéristique de sa démarche. Disney n’a jamais cessé, en effet, de s’inventer des matériels et protocoles nouveaux.
Il faisait ainsi projeter les dessins du story-board synchronisés avec la bande-son pour avoir une idée sommaire de ce que l’on verrait à l’écran. Il avait également créé une caméra « multiplane » qui lui
permettait de se déplacer le long de très grands décors panoramiques.
Pour Walt Disney, le cinéma de ses contemporains est tout autant une source d’inspiration. Dans Blanche-Neige, la transformation de la reine en sorcière doit beaucoup aux différentes versions de Docteur Jekyll et Mister Hyde. The Mad Doctor (1933) reprend non sans humour certaines des scènes terrifiantes du Frankenstein de James Whale. Un grand nombre des mésaventures dont Charlot est la victime dans Les Temps modernes (1936) sont quasi littéralement reprises par Disney dans ses Modern Inventions (1937).
Question décor, Walt Disney avait le souci d’être toujours au plus juste du sujet traité. Pour ce faire, soit il multipliait les repérages sur le terrain, soit il s’inspirait de certaines images de l’histoire de l’art. Le village de Pinocchio est ainsi emprunté à la cité médiévale de Rothenburg, tandis que le château de La Belle au bois dormant tient tout à la fois des Très Riches Heures du duc de Berry, des dessins de Viollet-le-Duc et des demeures de Louis II de Bavière. Éloge du composite en quelque sorte.
Informations pratiques « Il était une fois Walt Disney » se tient du 16 septembre au 15 janvier 2007 aux Galeries nationales du Grand Palais. L’exposition est ouverte tous les jours sauf le mardi de 10 h à 18 h, mercredi jusqu’à 22 h. Tarifs sans réservation : 10 €/8 €, avec réservation 11,30 €/9,30 €. Galeries nationales du Grand Palais, 3, av. du Général Eisenhower, Paris VIIIe, tél. 01 44 13 17 30, www.rmn.fr
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Une œuvre bouffie d’influences
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°583 du 1 septembre 2006, avec le titre suivant : Une œuvre bouffie d’influences