La 9e édition du PhotoBrussels Festival met en lumière, dans 46 lieux de la capitale, la vitalité de la création tant belge qu’internationale.
Bruxelles. Fort du succès de sa précédente édition (plus de 100 000 visiteurs), le PhotoBrussels Festival continue sur sa lancée avec cette année 46 lieux d’exposition disséminés aux quatre coins de Bruxelles pour susciter un « momentum » photographique et proposer un état des lieux de la création contemporaine dans ce médium. Créé en 2016, à l’initiative de Delphine Dumont, par Hangar, centre d’art consacré à la photo, le festival a pris de l’ampleur, attirant chaque année un public de plus en plus international. Galeries, centres d’art, musées ou lieux privés s’ouvrent pendant un mois à la photographie dans toutes ses expressions. Depuis 2022, le festival est coordonné par un comité de sélection formé par les responsables de sept lieux représentant la diversité de la photo à Bruxelles.
Cœur du festival, Hangar interroge, sous le titre « Almagine », l’utilisation de l’intelligence artificielle par les photographes, un thème qui suscite aujourd’hui questionnements et craintes. Évitant adroitement les questions qui fâchent comme celles de la propriété intellectuelle ou des tentations d’un futur totalitaire, cette passionnante exposition et les 18 artistes qui y contribuent s’intéressent plutôt à ce qui est vu non pas comme l’avenir du médium, mais plutôt comme une photographie de niche, qui donne à voir des images de ce qui a été effacé, de ce qui n’a pas eu lieu ou de ce qui existe dans une mémoire alternative. Il est encore question d’intelligence artificielle avec François Bellabas. Dans « Unloadingoverdrive », son exposition au centre d’art Contretype, l’artiste qui vit entre Paris et Los Angeles s’est inspiré des paysages de la mégalopole californienne pour créer un environnement virtuel que l’on explore à l’aide d’un joystick. Des nœuds d’asphalte flottent dans un ciel désertique devant des panneaux publicitaires comme des points d’interrogation sur notre condition humaine traversée de câbles, de routes et de réseaux réels ou virtuels. Dans d’autres œuvres, il confie à des algorithmes le soin de créer des images à partir d’une banque de données de photographies, images de synthèse et vidéos, bousculant nos repères entre réel et virtuel, 2D et 3D.
Chloé Azzopardi est fascinée, elle, par les objets technologiques et ce qu’il en reste quand la prise est débranchée. Dans sa très belle exposition « Non Technological Devices » à L’Enfant sauvage, elle met en scène des accessoires et extensions technologiques confectionnés à l’aide de branchages et de ficelles. Ces appareils poétiques et inutiles qui miment des objets nous apparaissant comme indispensables interrogent les fantasmes du futur et notre dépendance à la technologie.
Présentées à l’espace Chapitre XII sous le titre « Anatomie du tomason », les photos apparaissent dans leur humilité, suspendues au mur sans cadre ni vitre de protection, comme pour ne pas déranger. Ce sont des images noir et blanc prises à Kyoto par Sylvain Cardonnel, philosophe, photographe occasionnel et traducteur de l’artiste d’avant-garde japonais Akasegawa Genpei (1937-2014). Celui-ci a développé le concept de « tomason » que l’on pourrait traduire par un léger dérèglement, souvent absurde, dans l’agencement du quotidien. Promeneur infatigable, il arpentait les rues des villes japonaises pour y traquer ces beautés du hasard qu’il considérait comme des haïkus visuels. Cardonnel s’est glissé dans ses traces pour photographier les ruelles et arrière-cours de Kyoto où surgissent des fantômes de constructions, des volumes absents. Des escaliers ou des portes qui ne mènent nulle part semblent chuchoter que tout est possible.
Si tous les photographes ont un point commun, c’est bien d’avoir une mère. La Fondation A accueille « À partir d’elle », exposition montrée au BAL à Paris en 2023-2024, mais comportant ici des images inédites ; elle réunit 15 artistes qui évoquent avec tendresse, humour ou irrévérence le lien qu’elles et ils ont noué et dénoué avec la figure maternelle.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°649 du 14 février 2025, avec le titre suivant : Un mois photographique à Bruxelles