PARIS
Fidèle à sa vocation de « musée de collectionneurs », Marmottan présente dans le cadre d’une exposition quelques trésors issus de collections privées : soixante-deux peintures, sculptures et dessins dont une grande partie n’a jamais ou rarement été vue du grand public.
Elles composent un itinéraire pictural qui s’étend de l’impressionnisme au fauvisme en passant par l’école de Pont-Aven. La première salle s’articule autour du grand tableau de Caillebotte, Le Pont de l’Europe,œuvre mythique de la révolution industrielle, d’une composition subtile, complexe et dynamique, avec son étonnante perspective fuyante et sa palette restreinte, parfaite antithèse de La Berge du Petit-Gennevilliers, dont les fortes harmonies de tons confèrent au tableau une extraordinaire intensité visuelle. Monet nous offre une immersion dans la nature avec Villas à Bordighera, dont les couleurs et la profusion préfigurent les jardins de Giverny. Couleur et lumière encore avec cette œuvre japonisante de Van Rysselberghe de 1892 peinte dans un pointillisme serré et rigoureux, alors que l’artiste est au sommet de sa technique. Camille Claudel a la part belle, avec plusieurs sculptures, dont une œuvre essentielle, un plâtre de La Petite Châtelaine présenté au public pour la première fois. Visage ardent, yeux brûlants, narines palpitantes, elle représente de façon magistrale l’image intérieure de l’enfance. Variations autour d’une dominante verte avec La Cueillette de Vuillard, datée de 1900, période où il déserte les intérieurs confinés pour la lumière naturelle, utilisée ici comme élément unificateur de la composition picturale. La lumière toujours étonnamment douce dans cette toile de Matisse figurant à travers la fenêtre les falaises mythiques d’Étretat qui furent représentées par toute une série de peintres du XIXe siècle et dont l’artiste perpétue ici la tradition. Enfin, il y a cette extraordinaire Danseuse espagnole peinte par Picasso alors qu’il n’a pas 20 ans. On y décèle « maintes influences probables, chacune passagère et aussitôt envolée ».
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°717 du 1 novembre 2018, avec le titre suivant : Trésors privés