COURBEVOIE
Au-delà des marmitons qui ont fait sa célébrité, une rétrospective met en valeur les scènes religieuses et les portraits de ce peintre singulier.
Courbevoie (Hauts-de-Seine). Lorsque Emmanuelle Trief-Touchard, directrice du Musée Roybet-Fould, a souhaité organiser une exposition sur Théodule Ribot (1823-1891), l’historien de l’art Dominique Lobstein s’est tout de suite déclaré prêt à relever le défi : « C’est un artiste qui me fascine depuis 1973 ! » Pour l’une, il s’agissait de mettre à l’honneur le peintre qui fut le premier acheteur d’une œuvre de Ferdinand Roybet (1840-1920). Pour l’autre, c’était l’occasion de finaliser des recherches sur un artiste très estimé de son vivant et de trouver, dans les musées et collections françaises, des œuvres représentatives de l’ensemble de sa carrière. « Nous nous sommes concentrés sur la France pour des raisons économiques et pratiques, relate Dominique Lobstein, mais aussi parce que l’État lui a beaucoup acheté. » Les musées français, bien dotés pour ce qui est de sa production relevant du « grand genre », ont également reçu par donation des portraits, des scènes de genre et des natures mortes.
La soixantaine d’œuvres sélectionnée présente donc une vision représentative du peintre : « Nous montrons la diversité des sujets et leur permanence, explique Emmanuelle Trief-Touchard. Très tôt dans la carrière de Ribot, les thématiques sont là et elles vont perdurer avec des traitements un peu différents dans la manière de peindre. Sa force a été de rester en dehors des modes, totalement indépendant par rapport à son époque. »
Tout naturellement, le musée a opté pour une présentation thématique. Deux très grands tableaux de Roybet sont restés accrochés, trop imposants pour être déplacés. Brillants, un peu tapageurs, ils forment un contraste saisissant avec le silence et le clair-obscur de Ribot. La première salle évoque les maîtres – au premier rang desquels Rembrandt, Zurbarán et les caravagesques français – que s’était donnés cet autodidacte. « En 1884, explique Dominique Lobstein, un hommage est rendu par les artistes à Ribot que l’on appelle “le peintre indépendant”. Deux cents personnes sont présentes : des peintres, mais aussi [le compositeur] Édouard Lalo, Edmond de Goncourt. Prononçant un toast, Ribot éclate en sanglots et déclare : “Je bois à l’art, à l’art que j’aime, à l’art de Corot, à l’art de Millet, à l’art de Courbet”. Certains commentateurs ajoutent : “à l’art de Manet”. Toutes ses influences sont là. »
Fils d’un géomètre qui lui apprit certainement les bases du dessin, grand lecteur, Ribot dut travailler dès l’âge de 20 ans pour subvenir aux besoins de sa nombreuse famille, après la mort de son père suivie de près par son propre mariage. « C’est l’homme qui vivait le plus simplement du monde, résume Dominique Lobstein, qui a retrouvé de nombreux documents pour la rédaction du catalogue. Il s’est constitué une clientèle, il a eu plusieurs marchands qui vendaient ses œuvres partout à l’étranger mais, à Colombes, son chien et ses chats logeaient dans la maison et les poules dans la cour. Il menait une vie d’artisan. Ribot, c’était l’anti-artiste. » Et c’est en peignant des petites gens, servantes, paysannes et marmitons, qu’il est devenu célèbre.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°515 du 18 janvier 2019, avec le titre suivant : Théodule Ribot l’indépendant