TOULOUSE
À Toulouse, le peintre est rapproché de ses contemporains et des prédécesseurs dont il s’est inspiré pour mieux montrer sa puissante originalité.
Toulouse. Théodule Ribot (1823-1891) est un illustre inconnu. Cet « artiste pour les artistes », comme on le qualifiait déjà de son vivant, a perdu la notoriété qu’il eut auprès de ses confrères (dont Rodin qui lui acheta des œuvres), des conservateurs de musée et des amateurs, souvent étrangers. Dans sa préface à La Galerie espagnole de Louis-Philippe au Louvre de Jeannine Baticle et Cristina Marinas (RMN, 1981), le grand historien de l’art Jacques Thuillier pouvait écrire : « Millet […] retrouvera dans ses œuvres […] le secret profond des Ribera et des Zurbarán : l’alliance du réalisme le plus accusé et de la plus grave spiritualité. Un Manet ira jusqu’à la réplique, un Ribot jusqu’au pastiche. »
Désormais, l’artiste est de nouveau apprécié des conservateurs et des commissaires d’exposition. En 2018-2019 s’est tenue une exposition monographique à Courbevoie, puis à Colombes (Hauts-de-Seine). L’exposition toulousaine qui sera, par la suite, présentée à Marseille et Caen, sous le commissariat d’Axel Hémery, Luc Georget et Emmanuelle Delapierre, obéit donc à une autre logique en mettant le peintre du XIXe siècle en parallèle avec ses prédécesseurs et contemporains (82 œuvres sont exposées, dont 53 de Ribot). Elle est thématique, menant le visiteur des cuisines, qui ont fait la célébrité de l’artiste, à la peinture d’histoire.
L’exposition commence par les natures mortes sur fond noir caractéristiques de l’artiste, telles deux versions d’Un gigot (vers 1870-1880) et Nature morte à la citrouille et aux prunes, cerises et figues avec pot (vers 1854-1858 ?) rapprochées de Table de cuisine ou Nature morte au gigot (non daté) attribuée à Michel Honoré Bounieu et des Œufs (n. d.) d’Antoine Vollon. Tous ont été influencés par Jean Siméon Chardin. Les deux enfants de Théodule Ribot, Germain Théodore (1845-1893) et Louise (1857-1916) ont également produit des natures mortes proches de celles de leur père, comme beaucoup d’autres artistes de l’époque. La simplicité des compositions, le rendu des matières, le traitement de la lumière dérivent souvent à cette époque du Siècle d’or espagnol, représenté dans l’exposition par Nature morte au bol de chocolat (vers 1640) de Juan de Zurbarán, fils de Francisco de Zurbarán. Dès 1861, Ribot présentait au Salon des scènes de genre montrant des cuisiniers et marmitons qui feront florès et seront connues par l’estampe, et imitées. La qualité de la peinture et l’absence totale de vulgarité font la différence entre notre peintre et ses confrères.
Une autre partie importante du travail de Ribot est constituée des portraits de ses proches et de voisins. L’influence de Rembrandt est nette. Tête de femme (vers 1865-1875 ?) est une harmonie subtile de noir, de blanc, de bleu et des touches de vert et rouge des pommes que tient la jeune femme, et Jeune fille à la guitare (vers 1865 ?) évoque les frères Le Nain. Plus tardive, La Charbonnière (1880), toute de gris et noir excepté son panier de fruits, permet de comprendre l’admiration que James McNeill Whistler portait à Ribot. Ces figures de fantaisies sont rapprochées, dans l’exposition, de Tête de mineur (n. d.) d’Alfred Philippe Roll.
La peinture d’histoire, chez Ribot « se cantonne à la peinture religieuse et à la fable », précise Axel Hémery. C’est là qu’il suit le plus fidèlement les leçons des peintres ténébristes espagnols. « Il leur a non pas volé leur manière mais demandé leur secret », écrivait le critique Jules Claretie. Dans la lignée de José de Ribera, Ribot, avec Saint Vincent (1867) et Le Bon Samaritain (1870, (voir ill.]), montre des corps abandonnés, violemment éclairés sur un fond plongé dans l’ombre, les creux de la chair peints d’un noir profond. Plus radical encore, Les Philosophes (1869) fait surgir de la nuit quatre têtes, trois mains et un livre. L’œuvre est mise en comparaison avec Le Penseur (n. d.) de Stanislas Torrents et un tableau d’un élève de Ribera, Philosophe de l’école cynique (non daté), du Napolitain Francesco Fracanzano. Démocrite (1630) de Ribera clôt magnifiquement la démonstration.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La singularité de Théodule Ribot
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°579 du 10 décembre 2021, avec le titre suivant : La singularité de Théodule Ribot