RIOM
Riom (Puy-de-Dôme). Julien Salaud s’est éloigné progressivement de la taxidermie qui a fait sa réputation, mais n’a pas quitté pour autant le monde animal.
Le bestiaire qui tapisse l’installation spécialement conçue pour le Musée Mandet à Riom en est un témoignage. « Installation », le mot est un peu faible pour désigner les salles des expositions temporaires du musée qu’il a plongées dans l’obscurité et recouvertes de formes constituées à l’aide de fils de coton blanc reliés par des clous, le tout éclairé par une lumière noire.
Dès l’entrée dans la première salle, on est saisi par la performance technique, la monumentalité de l’œuvre qui immerge le visiteur dans la nuit. De quelle obscurité d’ailleurs s’agit-il ? Celle des profondeurs d’une grotte ou la nuit faiblement éclairée dans un paysage rural ? Un peu des deux. Julien Salaud s’est longuement promené dans la région pour s’en imprégner et y mêler ses affects. Des clochers, des vallons évoquent les alentours comme les représentations de chevreuil ou de hibou, mais des formes plus étranges convoquent les abymes.
Comme pour toute expérience immersive, l’inconscient de chacun resurgit et projette un récit de la création du monde (d’où le titre « Gaïa »), un discours sur le chamanisme ou ses propres obsessions intimes. Malgré le trouble que suscite la nuit, il règne cependant dans cette matrice obscure un sentiment confus d’étrangeté et d’apaisement, sans doute lié au matériau utilisé (le fil de coton) qui pour l’artiste rappelle les broderies de sa grand-mère.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°582 du 4 février 2022, avec le titre suivant : Tendre est la nuit