VERSAILLES
Le château de Versailles a créé un circuit temporaire dans ses salles consacré au destin de l’un de ses occupants, l’héritier de la famille d’Orléans.
Versailles. « Ce fut une cohue et une mêlée », décrit Victor Hugo. « On se précipita, on se poussa, on se bouscula, on s’écrasa les pieds, on se déchira les habits » : ce 10 juin 1837, Louis Philippe, roi des Français (de 1830 à 1848), inaugure les galeries historiques au château de Versailles dans une liesse populaire et en présence de tout ce que Paris compte de personnalités. Aux côtés d’Hugo, on peut croiser Sainte-Beuve, Alexandre Dumas, Alfred de Musset ou Eugène Delacroix.
Cette date est capitale dans l’imagerie de Louis Philippe : le peintre Horace Vernet l’a choisie pour cadre de son portrait officiel et dynastique. L’œuvre qui représente le roi Louis Philippe entouré de ses cinq fils sortant par la grille d’honneur du château de Versailles, après avoir assisté à une revue militaire dans les cours, sert de support à la communication de l’exposition « Louis Philippe et Versailles » que le château consacre à ce roi « trop monarchique pour être républicain, trop républicain pour être monarchique ,» selon la formule de l’historien François Furet.
Plus qu’une exposition, c’est un véritable parcours de visite dans le château que propose la commissaire d’exposition Valérie Bajou, avec la volonté de comprendre les choix esthétiques et politiques du roi, son utilisation de l’histoire de France et des campagnes militaires contemporaines, ses goûts artistiques, ses velléités pédagogiques. Pour l’occasion, les 32 salles des galeries historiques de Louis Philippe sont toutes ouvertes à la visite, soit 4 600 m2 révélés au visiteur.
La visite commence par les salles des Croisades, au rez-de-chaussée de l’aile du Nord. à la galerie de Pierre (basse), toute de blancheur marmoréenne, succède une suite de cinq salles néogothiques au décor luxuriant. Autour de la porte de l’hôpital de Rhodes, offerte en 1836 au roi par le sultan Mahmoud, les scènes des huit croisades rendent hommage aux grandes familles princières et comtales. S’il en fait partie, Louis Philippe reste « le fils d’un père auquel l’histoire accordera certainement les circonstances atténuantes, mais aussi digne d’estime que ce père avait été digne de blâme », selon l’expression de Victor Hugo. Le fils de Philippe égalité, qui a voté la mort de son cousin Louis XVI, est en quête de légitimité. Une quête complexe qui aura Versailles pour cadre. Enfant, il a peu connu la Cour à Versailles et la Révolution l’a vu s’enrôler dans les troupes révolutionnaires. Son exil forcé sous l’empire l’entraîne dans un Grand Tour aristocratique et une expédition aux états-Unis. En 1830, lorsqu’il accède au trône, il a l’intelligence d’assurer une forme de continuité.
La salle du Sacre, qui vient d’être entièrement restaurée, est ainsi composée à la gloire de Napoléon Ier. Fastueuse, elle s’organise autour du monumental Sacre de Napoléon de David et de la Colonne d’Austerlitz, œuvres symboliques de la première partie glorieuse du règne impériale. La salle de 1792, un peu plus loin, réunit les héros des guerres de la Révolution. On croise Napoléon Bonaparte et le duc de Chartres, lieutenant général, futur Louis Philippe.
Au cœur du circuit, l’exposition retrace le parcours du roi, sa dynastie, sa diplomatie, ses commandes d’objets d’art. Anglophile, le roi noue une relation particulière avec la jeune reine Victoria. Turner peint Le débarquement de Louis Philippe sur les quais du Royal Clarence Yard à Gosport (vers 1844-1845, Tate Gallery), tandis que François Gérard et Franz Xaver Winterhalter portraiturent une dynastie censée durer des siècles. Les salles d’Afrique qui abritent l’exposition, sont conçues en parallèle des campagnes africaines de Louis Philippe. La prise de la smala d’Abd-el-Kader, le 16 mai 1843 d’Horace Vernet, est un morceau de bravoure de vingt mètres de long, une peinture aux visées colonialistes évidentes.
En fin de parcours, la galerie des Batailles : habituellement fermée, cette galerie, dépassant de vingt mètres la longueur de la galerie des Glaces, est connue de tous les Français. Les trente-trois tableaux, dont un Delacroix épique, racontent l’histoire militaire de la France. Ils ont forgé l’iconographie française et sont présents dans tous les livres d’histoire.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°514 du 4 janvier 2019, avec le titre suivant : Sur les pas de Louis Philippe à Versailles