Frondeurs et bouffons redoutables, les artistes du Sots Art se sont imposés en Union soviétique dès 1970. Ils posent dès lors les jalons d’un style, porte-drapeau de la dissidence et de la perestroïka.
Moscou 1975. Erik Bulatov provoque un mini séisme dans le très sérieux milieu intellectuel de la dissidence en exposant un impeccable « Vive le communisme ! » peint sur une toile. La dissidence a beau participer aux furtives expositions organisées par les artistes non conformistes dans des appartements privés, la blague fait grincer des dents. Le geste de Bulatov, lui, rend compte de l’effronterie libertaire avec laquelle travaille la turbulente génération des artistes du Sots Art.
Les révoltés du régime
Bulatov, Kossolapov, Orlov, Sokov, Kabakov ont alors une trentaine d’années, sont exclus des expositions officielles et imaginent de nouveaux outils pour contrer toute forme d’autorité.
Icônes d’hier et d’aujourd’hui, cultes laïques de tous poils, propagandes d’ici ou d’ailleurs, hiérarchies totalitaires ou bien-pensantes, rien ni personne n’est épargné. Si le carcan soviétique reste la cible privilégiée, les mauvais garçons du Sots Art ironisent avec noirceur et désinvolture face à toutes coercitions.
Lorsque Vitaly Komar et Alexandre Melamid (K&M) mettent le Sots Art sur les rails en 1972, il y a encore de quoi faire. Dans leur sillage, les artistes s’approprient la rhétorique du pouvoir soviétique, bricolent l’imagerie de l’agit-prop, détournent ses slogans et ses signes et mettent en scène l’artiste en anti-héros. Un artiste usant avec candeur des outils de la propagande pour un sous-texte explosif. Ça passe. Plus ou moins. On s’arrange : c’est à peine si c’est de l’art.
L’exposition de la Maison rouge s’ouvre sur ces œuvres faites de bric et de broc, et donne un bel aperçu de cette première génération. Moscou, puis dans l’exil New York ou Jérusalem, la méthode a ses récurrences : l’artiste en idiot ou au quotidien, l’effigie soviétique version artisanale, le cadre dirigeant version pop distancée. Et toujours cette prédilection pour d’improbables cohabitations d’images.
La seconde partie fléchit bien un peu. Le marché international a déniché les artistes dès la fin des années 1980. Les œuvres miment un peu plus les attributs de l’art et la méthode frise le systématisme, comme si le Sots Art était devenu style, avant que ses lointains héritiers ne reprennent souffle dans la Russie des années 2000 dans une version plus activiste et frontale.
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Sots Art, les enfants terribles de l’URSS
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°597 du 1 décembre 2007, avec le titre suivant : Sots Art