Voilà une installation que vous ne verrez pas à la Maison rouge. Pas du voyage. Au placard. Guéguerres internes – dans un pays où l’art contemporain fait encore figure d’îlot – ou outrage à la nation, le motif furibard défendu par le ministre de la Culture Alexandre Sokolov penche du côté du manquement moral : l’œuvre serait de celles qui salissent la vitrine de la mère Russie. Au total, dix-neuf d’entre elles sont restées à quai, qui pour « pornographie », qui pour combinaison intrépide du front rouge et du front brun.
Étoile-croix gammée, Staline-Marilyn... rencontres chocs
Etoile et croix gammée (1982) est de celles-là. Maria Konstantinova sort tout juste de l’école d’art Sourikov à Moscou lorsqu’elle sexualise l’association littérale d’une étoile et d’une svastika. La première affublée d’un appendice explicite reçoit la seconde, fendue en son centre, rose et moelleuse. Signes déconstruits et désarmés pour une œuvre en forme de démonstration. L’installation incarne surtout, et dans sa forme et dans son contenu, le propos même du Sots Art : une pratique artistique qui recourt volontiers à l’association antinomique, cultive la finition rudimentaire et pioche dans le répertoire visuel mis à disposition par l’agit-prop.
Même rhétorique pour Leonid Sokov, dont le collage Staline et Monroe, lui présent à l’exposition, reprend le principe d’une juxtaposition apparemment discordante. Culture de masse contre culture de masse. Sujet contre style. Ou transformation de l’idéologie en objet de consommation. La cohabitation des deux images fragilise et disqualifie évidemment toute forme de culte, jusque dans le choix de la (re)présentation empruntée aux icônes religieuses autant qu’à Warhol. La pièce date de 1991 et Sokov, représentant acide et actif du Sots Art dès 1975, a rejoint l’Occident depuis plus de dix ans. Champion de l’imagerie pop dont il utilise les outils il est de ceux qui ont participé à la diffusion d’un style devenu malgré lui l’expression codifiée de la dissidence soviétique.
La mythologie soviétique revisitée par les champions du Sots Art
Pourquoi s’arrêter à la seule autorité du pouvoir politique ? Le Sots Art brasse et pousse dans ses retranchements les plus grotesques signes de la mythologie soviétique. Mais il n’omet pas de déconstruire toute autre forme de hiérarchie ou d’allégeance, champ de l’art compris.
Quand l’un égratigne les héros de la dissidence par une acide galerie de portraits façon maréchaux de l’Armée rouge, un autre empoigne l’intouchable figure de Pouchkine. Boris Orlov fait ainsi du « totem national » un personnage ubuesque, écrasé de guirlandes militaires. Une représentation martiale et bouffonne qui déballonne toute tentative d’iconisation autocrate, fut-ce Pouchkine, seul héros civil dont le compteur de statuaire rivalisa avec ceux de Lénine et Staline.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Censure politique... on ne badine pas avec les symboles de l’empire soviétique
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°597 du 1 décembre 2007, avec le titre suivant : Censure politique... on ne badine pas avec les symboles de l’empire soviétique