Art moderne

Espagne-France

Sorolla à Paris, sans l’être

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 27 septembre 2016 - 562 mots

Derrière une rétrospective aimable du peintre espagnol, le thème de sa formation parisienne est suggéré sans être réellement abordé.

GIVERNY -  « Pour les Espagnols, rappelle Frédéric Frank, directeur général du Musée des impressionnismes de Giverny, il y a, chronologiquement, Vélasquez, Goya, Sorolla, Picasso. » Joaquín Sorolla y Bastida (1863-1923) est cependant un quasi-inconnu en France, bien que l’exposition « Peintres de la lumière, Sargent et Sorolla », organisée en 2007 au Petit Palais à Paris, ait attiré sur lui l’attention du public. Il est donc heureux qu’à l’occasion de travaux entrepris au Musée Sorolla à Madrid un grand nombre d’œuvres aient pu être déplacées pour cette exposition rétrospective. Présentée d’abord à la Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung de Munich (de mars à juillet 2016), elle passe par le Musée des impressionnismes de Giverny (Eure) avant de rejoindre le Musée Sorolla, de novembre 2016 à mars 2017. Le public français – et souvent anglo-saxon, car les Anglais et surtout les Américains apprécient Sorolla – peut donc admirer la magnifique lumière de ses scènes de bord de mer (comment résister à L’Été de 1904 ?) et ses portraits flatteurs mais expressifs de personnalités du tournant du siècle. Mais aussi toutes les œuvres témoignant de la passion qu’il portait à ses enfants et à son épouse, qui a posé pour Clotilde se promenant dans les jardins de La Granja de 1907. Voici donc Sorolla réhabilité dans l’Hexagone. Cependant, un détail intrigue : en Allemagne, l’exposition porte le sous-titre « Le maître espagnol de la lumière », tandis qu’en France il s’agit d’« Un peintre espagnol à Paris » et, en Espagne, de « Sorolla à Paris ». Tout à coup, cette rétrospective chrono-thématique (elle mène des œuvres sociales des années 1890, montrant le peuple espagnol au travail ou dans sa vie quotidienne, au séjour balnéaire en famille à Majorque de 1919 en passant par une section transversale « Enfant de Vélasquez ») prend un autre sens qui, malheureusement, demeurera caché à la plupart des visiteurs. Car, de Paris, ils se diront qu’ils n’ont vu que trois esquisses, d’ailleurs charmantes, datant de 1885 et 1889.

Séjours parisiens
En réalité, cette troisième trame, seulement évoquée par le sous-titre, est la plus intéressante. Mais, pour profiter de cette interprétation, il faut visiter les salles en ayant lu au préalable le catalogue de l’exposition. Car, des 15 000 numéros que compte le catalogue raisonné de l’œuvre du peintre, élaboré patiemment par son arrière-petite-fille et co-commissaire de l’exposition, Blanca Pons-Sorolla, les 101 toiles montrées à Giverny sont censés raconter comment ses liens avec Paris ont fait du Valencien un peintre international tant du point de vue social que stylistique. Grâce à un compatriote rencontré pendant un séjour en Italie, Pedro Gil Moreno de Mora, qui vivait à Paris et l’a soutenu activement, le tout jeune homme a pu, en effet, effectuer des séjours dans la capitale française, y voir l’impressionnisme et le courant naturaliste, admirer ou même rencontrer Bastien-Lepage, Bonnat, Zorn, Sargent, Krøyer, Degas et Monet, lesquels auront une influence déterminante sur lui. Régulièrement, il venait s’abreuver à Paris de cette movida, y exposer et vendre. La contribution au catalogue de Maria López Fernández, l’autre commissaire de l’exposition, sous le titre « La genèse d’un artiste international. Sorolla et les peintres parisiens », en offre un tableau passionnant, totalement ignoré des visiteurs qui doivent se contenter des brefs panneaux de l’exposition.

Sorolla, un peintre espagnol à Paris

jusqu’au 6 novembre, Musée des impressionnismes, 99, rue Claude-Monet, 27620 Giverny, www.mdig.fr, tlj 10h-18h, entrée 7 €. Catalogue, éd. El Viso, Madrid, 248 p., 29 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°464 du 30 septembre 2016, avec le titre suivant : Sorolla à Paris, sans l’être

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