Lumineuse, l’œuvre abstraite et peu montrée de Joseph Sima est exposée à Issoudun.
ISSOUDUN - Ceci n’est pas une rétrospective. À partir de son Chaos (1959), tableau qui appartient au Musée de l’hospice Saint-Roch à Issoudun (Indre), l’exposition de Joseph Sima (1891-1971) qui y est présentée met en scène soixante-dix œuvres, des toiles et des aquarelles exécutées à partir des années 1950. Un mot vient immédiatement à l’esprit face à cette œuvre : « transparence ». Chez l’artiste, la peinture n’a pas plus d’épaisseur qu’une aquarelle ou une encre et les couleurs deviennent si fluides qu’elles ne font que suggérer.
La transparence accompagne ce peintre d’origine tchèque depuis son installation en France en 1921, année où il est engagé comme dessinateur aux ateliers de vitraux d’Hendaye. Quatre décennies plus tard, Sima réalise les vitraux de l’église Saint-Jacques à Reims. Deux dates essentielles, car de tous les supports et techniques, le vitrail est celui où la lumière et la matière fusionnent, à la fois physiquement et symboliquement. C’est avec les paysages abstraits des années 1950 et 1960 que l’artiste atteint cette lumière irradiante et diffuse.
Son parcours pourtant fut long et compliqué. Après avoir flirté avec le fauvisme et le cubisme, Sima connaît à son arrivée à Paris une courte période abstraite à la suite d’une rencontre avec Mondrian et le constructivisme. Puis il se lie d’amitié avec des peintres et des poètes surréalistes. Toutefois, la méfiance de ces derniers quant aux tendances mystiques de Sima conduit celui-ci à former, avec Roger Gilbert-Lecomte et René Daumal, Le Grand Jeu, une revue littéraire dont les mots d’ordre seront « révolution » et « révélation ». C’est à partir de ce moment qu’il va puiser dans ses souvenirs personnels des visions privilégiées : la foudre, la forêt, la lumière prismatique mais aussi des sujets mythologiques.
Traumatisé par la guerre, l’artiste arrête pratiquement son activité. Quand il renoue avec la peinture, il reprend les mêmes thèmes, cette fois épurés à l’extrême. Ainsi, La Route nationale (1954) est un paysage sans profondeur construit à l’aide de plans superposés. Il laisse à peine deviner un champ traversé par une route qui ne mène nulle part. De même, le mythe d’Orphée (1957) – décliné à Issoudun en plusieurs aquarelles – donne lieu à des apparitions abstraites qui célèbrent la lumière. Ailleurs, des formes évoquent la structure d’une fugue (Champs, 1963).
Temporalité figée
Dans cet univers, des minéraux cristallins, comme suspendus, délestés de leur poids, semblent libérés de toute attache terrestre. Le regard du spectateur se perd dans un espace où une ligne d’horizon indécise oscille entre le ciel et une plaine désertique. Baignées d’une lumière laiteuse, ces visions décrivent un monde sans limites, à la temporalité figée. Se référant à la théorie d’Héraclite selon laquelle matière et lumière sont inséparables, Sima déclare : « C’est la lumière et l’unité de toutes choses qui constituent le sujet de ma peinture. » La nature qu’il cherche est une nature en gestation. Dans une quête à mi-chemin du visuel et du visionnaire, l’accent porte sur la naissance des formes, sur ce que Paul Klee appelle « embryologie de la forme ». « Visions du monde retrouvé », dites-vous ?
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Sima ou la transparence
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 30 août, Musée de l’hospice Saint-Roch, rue de l’Hospice-Saint-Roch, 36100 Issoudun, tél. 02 54 21 01 76, museeisoudun.tv, lundi-mardi 14h-18h, mercredi-dimanche 10h-12h, 14h-18h, entrée libre. Catalogue, éd. Gourcuff Gradenigo, Montreuil, 96 p., 19 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°439 du 3 juillet 2015, avec le titre suivant : Sima ou la transparence