Photographie

Donation

Radiographie d’« Exils » de Koudelka

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 14 mars 2017 - 733 mots

PARIS

La Galerie de photographies du Centre Pompidou expose cette riche fabrique d’images que représentent pour le photographe tchèque ses années d’itinérance loin de son pays natal.

PARIS - La série Exils, de Josef Koudelka (né en 1938), est un grand classique de la littérature photographique. C’est la première fois qu’elle donne lieu à une analyse approfondie sur sa genèse et ses conditions de production. Les trois éditions successives d’Exils aux Éditions Delpire (1988, 1997, 2014) se sont en effet « juste » enrichies, entre la première et la troisième, de quatorze photographies, couverture et auteurs des textes différant d’une édition à l’autre. La donation par Josef Koudelka au Centre Pompidou des 75 photographies de cet ouvrage, la programmation par Clément Chéroux d’une exposition relative à cette donation, et surtout l’essai de Michel Frizot dans le catalogue, permettent d’approfondir la vision de ces années d’itinérance après qu’il eut décidé de ne pas retourner en Tchécoslovaquie, lors d’un séjour à Londres en 1970.

« Ce que je voulais surtout, c’était voyager pour pouvoir photographier. Je ne voulais pas avoir ce que les gens appellent un “chez-soi”. Je ne voulais pas avoir à revenir quelque part. J’avais besoin de savoir que rien ne m’attendait nulle part, je devais être là où j’étais et si je ne trouvais rien à photographier, il était temps de partir ailleurs », rappelle Koudelka dans le catalogue. Sa vie de nomade sans domicile fixe et dormant à même le sol, ces années passées à photographier les Gitans, en Tchécoslovaquie d’abord puis ailleurs en Europe, ont participé à la construction du mythe.

Un exil voulu
La découverte dans les archives personnelles du photographe d’autoportraits réalisés après une nuit passée dehors ou chez des amis, que l’on peut voir dans la Galerie de photographies du Centre Pompidou atteste « que la réalité n’est pas si différente du mythe », souligne Clément Chéroux. Certes cette série couplée à celle des « portraits » de ses différents couchages est d’ailleurs l’un des moments forts de ce décryptage mené par l’ancien responsable du département photo du Centre Pompidou, aujourd’hui à la tête de celui du San Francisco Museum of Modern Art. « Il s’agit pour Josef Koudelka de photographier ce qu’il vit […] et de vivre ce qu’il photographie. Si Exils est très lié aux Gitans [le premier livre de l’auteur publié en 1975 par Robert Delpire, NDLR], cet ouvrage est quelque chose de plus lié à sa personne. » Mais pour en prendre la mesure, il faut se reporter au catalogue.

Car si l’exil est une formidable fabrique d’images qui sont rentrées dans la légende dès leur publication, il est aussi pour Koudelka une matière insoupçonnée de réflexions, de résolutions et autres notes qu’il consigne méticuleusement dans ses carnets-agendas. Véritables journaux intimes où apparaît régulièrement le questionnement sur le sens « d’être un photographe en exil », ces carnets, auxquels personne n’avait eu accès jusque-là, se révèlent d’incroyables journaux logistiques et prévisionnels des voyages à venir ou en cours, d’une grande précision. C’est l’étude de ces objets par Michel Frizot et les divers entretiens que l’historien de la photographie a eus avec Koudelka qui permettent de sortir réellement du mythe et de se tenir au plus près de l’homme et du photographe. L’un ne va pas sans l’autre, on le sait, mais ici des liens instructifs sont tissés entre « l’activité de vagabondage photographique » et « son expérience de la photographie de théâtre dans les années pragoises », note Michel Frizot. Le photographe revient de fait au même sujet d’une année à l’autre : un rassemblement de Gitans, pour se laisser surprendre comme au théâtre par ce que la répétition induit comme différence dans la prise de vue. L’exil n’est pas subi chez Koudelka. Il est voulu dans sa quête de « LA bonne photo ». Pour ce faire, tout est dûment réfléchi et préparé selon « une méthode de travail jamais énoncée en tant que telle », relève Michel Frizot. Cet aspect-là n’est pas perceptible dans l’exposition où les carnets-agendas sont les grands absents. On peut le regretter tant la pratique photographique de Josef Koudelka se distingue de celle de ses confrères. Koudelka Shooting Holy Land, documentaire tourné lors d’un de ses voyages en Israël/Palestine, programmé le 20 mars sur la chaîne Arte, démontre à cet égard qu’il n’a en rien modifié sa méthode.

KOUDELKA

Commissaire : Clément Chéroux
Nombre d’œuvres : 80

Josef Koudelka. La fabrique d’exils

Jusqu’au 22 mai, Galerie de photographies, Forum - 1, Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, www.centrepompidou.fr, tlj sauf mardi 11h-21h, entrée libre. Catalogue, coéd. Xavier Barral/Centre Pompidou, 160 p., 42 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°475 du 17 mars 2017, avec le titre suivant : Radiographie d’« Exils » de Koudelka

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