PARIS
Pour sa série « Ruines », le photographe s’est rendu sur 200 sites archéologiques du pourtour méditerranéen. Sont présentés 110 tirages panoramiques sur les 170 du portfolio.
Paris. En 2017, Josef Koudelka (né en 1938) faisait une donation de 75 photographies issues de la série « Exils » au Musée national d’art moderne qui a donné lieu à un éclairage inédit sur ce livre passé à la postérité. Trois ans plus tard, la donation du portfolio intitulé « Ruines » et constitué de 170 tirages à la Bibliothèque nationale de France engendre à son tour une exposition et un ouvrage de référence, ce dernier étant coédité avec Xavier Barral.
Réunissant des photographies panoramiques réalisées entre 1991 et 2019 de sites archéologiques du pourtour méditerranéen, « Ruines » est certainement le projet de Koudelka le moins connu. Certaines images ont pourtant été montrées dans diverses monographies ou dans des focus portant sur la place tenue par le paysage panoramique dans son œuvre, depuis sa participation à la Mission photographique de la Datar, lancée et dirigée par Bernard Latarjet et François Hers.
Sa présentation, pour la première fois aussi étendue, à l’aide de la scénographie percutante de Jasmin Oezcebi, met le visiteur de plain-pied avec la puissance évocatrice des œuvres. Pas moins de 110 panoramiques sur 170 sont exposés, dont 40 en format 124 x 260 cm, sans que le regard ne se perde jamais devant tant de ruines et de monumentalité. Koudelka, dans son usage du panoramique, ne tient pas tant à donner la vision la plus large du site ou du monument, ni à documenter celui-ci, mais à articuler dans une construction très juste les plans, lignes et formes de leurs éléments architecturaux. Son point de vue éclaté, souvent en gros plan ou en étagements de plans à l’horizon limité ; sa bascule parfois de l’image à la verticale ainsi que ses jeux d’ombre confèrent en effet une présence et une intériorité aux pavements, aux chapiteaux ou à l’alignement désordonné des colonnes. Le noir et blanc donnent à l’ensemble, réalisé sur près de trente ans, une cohérence chromatique.
« Josef Koudelka donne la parole aux pierres comme le voulait Piranèse», relève l’historien et archéologue Alain Schnapp dans le catalogue. Un commentaire qui résonne avec cette phrase du photographe placée en préambule de l’exposition : « Les ruines, ce n’est pas le passé, c’est l’avenir. Tout, autour de nous, un jour, sera en ruines. »
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°551 du 18 septembre 2020, avec le titre suivant : Koudelka à la BNF, ultime étape de son périple sur les sites antiques