De 1991 à 2019, Josef Koudelka a photographié au panoramique des sites archéologiques du pourtour méditerranéen.
Jusqu’à présent peu de photographies de ce travail achevé il y a un an avaient été montrées. Née de la donation d’un portfolio de 170 de ces clichés panoramiques à la Bibliothèque nationale de France, l’exposition et le livre (coédition BnF/Xavier Barral) en donnent pour la première fois l’ampleur insoupçonnée, mais modifient aussi la perception que l’on pouvait en avoir. Depuis la mission photographique de la Datar et son travail sur les espaces industriels et urbains du nord de la France, l’usage du panoramique chez Koudelka a introduit à un autre type d’images que celles du printemps de Prague, des gitans ou d’exils, du moins dans la forme. Ce qu’amplifie la scénographie de Jasmin Oezcebi. Les 40 photographies immenses (124 x 260 cm) suspendues dans l’espace, et les 70 aux dimensions plus réduites disposées en bordure, forment un paysage grandiose de fragments de ruines antiques dans lequel on circule, au plus près de rangées de piliers, de colonnes effondrées, de pavements, d’arènes, de théâtres ou de citernes. Aucun cartel pour identifier le site ni la date de prise de vue, il faut se reporter pour cela au livret distribué à l’entrée, et au livre pour avoir plus de précisions. Il ne s’agit pas pour Koudelka de documenter un site ou d’offrir de larges panoramas, mais de regarder « la ruine pour ce qu’elle est, formellement en termes de volumes, de plans », souligne Héloïse Conésa, co-commissaire de l’exposition avec Bernard Latarjet. Ce que renforce la cohérence chromatique du noir et blanc. « Josef Koudelka donne la parole aux pierres comme le voulait Piranèse », relève l’historien et archéologue Alain Schnapp dans le catalogue. « Les ruines, ce n’est pas le passé, c’est l’avenir. Tout, autour de nous, un jour, sera en ruines », pour Koudelka. Cette phrase du photographe, placée en exergue de l’exposition, touche juste, comme ses photographies dont la portée visuelle au-delà du beau, du grandiose, de l’allégorie ou du mystère des citées disparues, rappelle la finitude de toute chose.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°737 du 1 octobre 2020, avec le titre suivant : Le chant de ruines de Koudelka