PARIS
Le Centre Pompidou consacre une exposition à William Klein, Gérard Ifert et Wojciech Zamecznik, dont les photographies d’après-guerre partagent le même processus expérimental de dialogue avec les arts graphiques.
Paris. William Klein, Gérard Ifert et Wojciech Zamecznik n’ont a priori rien en commun. Si ce n’est d’être nés dans les années 1920 : le premier à New York en 1928, le deuxième à Bâle en 1929 et le troisième à Varsovie en 1923. Graphiste devenu designer, Gérard Ifert n’est pas un auteur référencé en photographie. Le designer et graphiste polonais Wojciech Zamecznik l’est depuis peu grâce à Fundacja Archeologia Fotographii cofondée et dirigée par Karolina Ziebinska-Lewandowska avant qu’elle ne rejoigne le Centre Pompidou comme conservatrice au cabinet de la photographie du Musée national d’art moderne. Quant à William Klein, il est davantage célèbre pour ses photographies de New York que pour ses photogrammes et ses recherches de nouvelles formes graphiques. C’est justement leurs différentes expérimentations de la photographie qui leur vaut d’être regroupés par Karolina Ziebinska-Lewandowska et Julie Jones.
C’est la première fois qu’ils sont rassemblés sous le courant qu’elles dénomment « photographisme oudialogue expérimental entre graphisme et abstraction photographique », fortes de la découverte des archives de Gérard Ifert et d’une plongée dans celles de William Klein. Cette démonstration dans la galerie de photographies du Centre Pompidou, soutenue par les textes instructifs du catalogue (Éditions Xavier Barral), découvre un terme employé durant ces années-là, mais surtout une généalogie inédite qui devrait inspirer de nouveaux auteurs et donner lieu à une exposition plus conséquente.
En attendant, l’« ébauche » de ce courant observé dans les années 1950-1960 éveille curiosité. En premier lieu, l’intérêt est amorcé par le parcours et la filiation des chefs de file de l’avant-garde des années 1920-1930 et de l’après-guerre, de László Moholy-Nagy, Man Ray à György Kepes, enseignant du New Bauhaus à Chicago. William Klein, Gérard Ifert et Wojciech Zamecznik ont été des lecteurs de The New Landscape in Art and Sciences publié en 1956 par Kepes. Ils ont été aussi, pour ne pas dire avant tout, de jeunes auteurs de leur époque en prise avec une période particulièrement féconde en nouvelles formes graphiques, géométriques ou abstraites, tant en peinture qu’en sculpture. Leurs créations développées à partir de la photographie ne sont pas sans faire écho à l’art abstrait et l’art cinétique alors en cours, ni aux mutations musicales incarnées par le sérialisme et la musique concrète. De Ifert à Klein, les créations n’en demeurent pas moins distinctes, tant par leurs motifs abstraits que par leurs effets d’optique du mouvement. C’est l’autre grand attrait du propos de Karolina Ziebinska-Lewandowska et de Julie Jones.
Pour chacun de ces trois esprits créatifs, les projets ou les réalisations graphiques ont donné lieu à « une explosion de formes expérimentales », soulignent les commissaires d’exposition. Que ce soit pour le théâtre ou des festivals, dans le cas de Wojciech Zamecznik, ou pour la revue italienne d’architecture Domus ou la pochette de disque du Club français du disque pour William Klein ; l’abstraction des formes obtenues par Gérard Ifert trouvant, elles, leur principal client dans la publicité. Le Centre culturel américain et le théâtre de l’Alliance Française ont compté également parmi ses autres commanditaires.
Prolifique, la période du photographisme a cependant été brève. Le terme lui-même en cours durant ces années 1950-1960 s’est perdu. Le photographisme n’en a pas moins été au cœur de la création de Gérard Ifert et de Wojciech Zamecznik, mort peu après en 1967. Pour William Klein, il marque une période de transition entre la peinture et la photographie. « C’est à la faveur d’une visite d’Alexander Liberman à la galerie Apollo et au salon des réalités nouvelles, où les photogrammes de Klein sont présentés en 1953, que ce dernier se voit proposer par le directeur artistique de Vogue d’intégrer l’équipe du magazine à New York », rappelle Karolina Ziebinska-Lewandowska. On connaît la suite.
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Quand le photographisme agitait la photographie
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°492 du 4 janvier 2018, avec le titre suivant : Quand le photographisme agitait la photographie