En 1906, Pablo Picasso occupe un atelier de Montmartre, le désormais célèbre Bateau-Lavoir. Dans un Autoportrait qu’il peint cette année là et qui ouvre l’exposition de la Fondation Mapfre, le peintre a 25 ans ; il se représente en pleine possession de ses moyens, le torse vigoureux sous sa chemise que l’on devine en lin, la main puissante.
Mais ses yeux sont hagards, comme égarés devant la tâche qu’il s’apprête à accomplir : la réalisation des Demoiselles d’Avignon (1907), son chef-d’œuvre. Cette fois, comme tant d’autres, Picasso se représente donc en peintre. Mais un peintre sans pinceau, que l’on imagine pourtant dans sa main droite. Seule la palette rappelle donc son « métier » ; cette palette qu’il peindra si souvent jusqu’à son décès, le 8 avril 1973. Voilà ce que l’on retient de l’exposition madrilène « Picasso, dans l’atelier » : Picasso, l’inventeur du cubisme, celui par lequel les révolutions artistiques du XXe siècle sont arrivées, est né « peintre » et l’est « resté » toute sa vie ; un peintre viscéralement attaché à ses palettes, un peintre de chevalet, qui n’eut de cesse de remettre sur le métier les motifs de son atelier qu’il avait sous les yeux : le guéridon et son compotier, le chevalet, la palette, la mandoline, etc.
Et, lorsqu’il s’attaque à la figure humaine, c’est pour la représenter en peintre, son modèle posant tantôt en costume espagnol, tantôt nu, toujours dans l’atelier. Parfois, le modèle est représenté sur la plage ; mais là encore, le motif a été élaboré dans l’atelier. Picasso, peintre d’intérieurs, autant que de l’intériorité, donc. D’autres fois, ce sont les palmiers de Cannes qui font irruption par la fenêtre ouverte. Là encore, dans l’atelier. Si les thèmes du « peintre et son modèle » et de l’autoportrait avaient déjà été explorés, celui de « Picasso et son atelier » n’avait pas encore été traité. Ce qui rend cette exposition intéressante, d’autant plus que la sélection des œuvres montrées a rarement ou jamais été vue, à l’instar de l’Homme sur son tabouret de 1969 qui ferme l’exposition. Pourtant, si l’atelier est bel et bien le sujet de l’exposition, il est physiquement absent. Il faut attendre une salle, une seule, pour voir rassemblées quelques photographies de Duncan et de Jacqueline montrant Picasso dans la villa Californie. Le sujet aurait pourtant mérité de montrer d’autres images : du Bateau-Lavoir, des Grands-Augustins, du mas de Mougins, du château de Vauvenargue, et d’autres. Car, oui, l’atelier est indissociable de l’œuvre – et de la vie – de Picasso, il en est même souvent le centre. Excepté à Madrid.
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Picasso peintre d’atelier
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Abonnez-vous dès 1 €Fondation Mapfre, Paseo de Recoletos, 23, Madrid (Espagne)
www.exposicionesmapfrearte.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°667 du 1 avril 2014, avec le titre suivant : Picasso peintre d’atelier