MONTPELLIER
Dans le cadre de la féconde manifestation Picasso-Méditerranée impulsée par le Musée national Picasso-Paris, le Musée Fabre interroge l’exceptionnelle diversité formelle et technique du peintre espagnol.
« Moi je remue trop, je déplace trop. Tu me vois ici et pourtant j’ai déjà changé, je suis déjà ailleurs. Je ne suis jamais en place et c’est pourquoi je n’ai pas de style. » Cette exposition illustre avec pertinence ces propos de Picasso en mettant l’accent sur l’idée que l’artiste n’a d’autre style que le « style Picasso ». S’articulant autour de quatorze périodes clés allant de 1895 à 1972 – soit soixante-dix-sept ans de création ! –, elle fait apparaître la vivacité avec laquelle l’artiste, pendant une même période, parfois sur une même œuvre, aime prendre le risque d’explorer plusieurs hypothèses formelles à la fois. En parcourant les espaces de l’exposition conçus sans séparation entre les sections, il apparaît qu’aucune rupture stylistique n’est jamais définitive. La trajectoire sans cesse inachevée, toujours recommencée, de ce créateur démiurge semble rythmée par des allers-retours donnant à voir comment l’artiste, joliment qualifié d’« autophage », se nourrit sans relâche de son propre travail. Les années 1918-1923 apparaissent particulièrement riches en boulimie de techniques et de styles variés. Picasso, révoquant toute idée de progrès dans son travail, confie en 1923 : « Les multiples techniques que j’utilise dans mon art ne doivent pas être considérées comme une évolution, ou comme des étapes dirigées vers un idéal inconnu de la peinture. » Clairement, seul le présent lui importe !
Musée Fabre, 39, boulevard Bonne-Nouvelle, Montpellier (34), www. museefabre.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Picasso, l’« autophage»