Picasso - El Greco : 1-1

Au-delà de l’emprunt et de la citation, communs au processus artistique, Pablo Picasso se plut en effet, sa vie durant, à dialoguer sans révérence aucune avec certains de ses plus distingués prédécesseurs. El Greco (1541-1614), le peintre grec établi à Tolède, fut l’un de ceux-là et l’exposition du Kunstmuseum de Bâle s’attache pour la première fois à recréer en une trentaine de face-à-face le dialogue fructueux entre deux peintres que des siècles séparent. À la fin du XIXe siècle, le monde de l’art espagnol et européen redécouvrait la peinture inimitable du Greco dont la production, si admirée de son temps, était entre-temps tombée dans l’oubli : le jeune Picasso, des débuts de sa carrière artistique aux périodes rose et bleue, lui aussi regarda, copia et s’inspira du maître gréco-espagnol, moins pour sa création religieuse que pour ses portraits de longs et tortueux visages qui le fascinaient. Mais l’exposition bâloise suit une autre piste : non seulement la passion de Picasso fut plus intense qu’on ne le pense, mais, surtout, elle fut plus longue, se devinant encore au creux d’œuvres plus éloignées formellement, comme pendant la période cubiste, voire plus tard, dans les années 1950-1963, qui voient le peintre âgé affirmer plus clairement sa filiation avec les grands maîtres anciens. Si cette exposition d’été au succès public déjà prévisible est l’occasion de voir et revoir des grandes œuvres de Picasso dont l’institution bâloise possède un fonds important, elle offre aussi la possibilité d’admirer sur les cimaises ces peintures rares et étranges venues du monde entier signées El Greco.