Peintres-jardiniers

Le cas, singulier, Claude Monet

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 19 mai 2009 - 627 mots

Si l’impressionniste s’inscrit dans une lignée de peintres inspirés par le jardin, tels Hubert Robert et Jean Fautrier, il est le seul à avoir créé un environnement naturel pour en faire un sujet en peinture.

Si l’on connaît quelques jardins, certes rares, réalisés par des peintres, Monet est cependant le seul à s’être consacré à cette œuvre éphémère et vivante pour mieux en faire le sujet unique de sa peinture. En effet, si l’on considère l’art du jardin paysager auquel se livra Hubert Robert (1733-1808) durant le dernier quart du xviiie siècle des mises en scène de verdure remarquables il faut cependant bien admettre que ces commandes n’ont pas fait l’objet d’une transposition systématique en tableau.
Pour ce grand spécialiste de Capricci, des paysages imaginaires truffés de ruines, membre de l’Académie royale, tout commence par l’aménagement du hameau de la reine au Trianon de Versailles, puis ce sont les marquis de Laborde et de Girardin qui s’adressent à lui pour leurs propriétés respectives de Méréville et Ermenonville. Pour celui que Catherine II de Russie puis Diderot avaient surnommé « Robert des ruines », l’exercice pratique n’est jamais devenu un motif de prédilection dans sa peinture. C’est de la peinture que venaient les éléments du jardin alors que Monet s’employait, quant à lui, à créer un espace libre, nourri des exemples visités en Italie et dans le sud de la France, et vus dans les estampes japonaises.

Quatre années d’aménagement pour trouver le juste équilibre
L’autre exemple remarquable est celui du « jardin sauvage » cultivé par Jean Fautrier sur la propriété qu’il occupa de 1948 à sa mort, en 1964, à Châtenay-Malabry. Récemment ouverte au public, cette jungle d’un peu plus d’un hectare offre un contrepoint intéressant. Si Monet était bien le peintre des nymphéas, Fautrier fut celui des herbes. Mais cet abri de verdure ne deviendra jamais l’objet unique de son attention artistique même si un de ses tableaux s’intitule L’Île verte.
Plus proches de nous, deux jardins d’artistes britanniques sont devenus leur source unique d’inspiration : celui de Derek Jarman (1942-1994) dans le Kent et la Little Sparta écossaise de Ian Hamilton Finlay qui recèle deux cent soixante-dix œuvres du sculpteur. Mais ici ce sont bien, une nouvelle fois, les cadres qui deviennent les œuvres, affranchies de la représentation.
Claude Monet aura fait preuve d’une abnégation très particulière, investissant des sommes colossales dans la réalisation de ce grand œuvre. Il commence l’aménagement du jardin d’eau en 1893 et s’emploie pendant quatre années à en trouver le parfait équilibre. « J’ai mis du temps à comprendre mes nymphéas. Je les avais plantés pour le plaisir ; je les cultivais sans songer à les peindre… Un paysage ne vous imprègne pas en un jour. » Il s’y immergera jusqu’à sa mort, sans relâche.

Visite de… l'exposition

L’exposition est scindée en trois sections.
Focalisées sur le jardin attenant, les trois sections de l’exposition « Le Jardin de Monet à Giverny » rassemblent successivement des tableaux qui permettent de comprendre l’évolution du style et du sujet révélant une touche plus synthétique et vibratile. Une seconde section dispose de nombreux documents photographiques comme un autochrome de 1921 montrant Monet se tenant devant sa maison dans une explosion colorée [voir p. 83]. Le critique Louis Vauxcelles entretint d’ailleurs activement l’image de gentleman-farmer du peintre. Enfin, de nombreuses archives viennent compléter l’ensemble.

C’est Clemenceau qui eut l’idée de présenter les Nymphéas à Paris.
Monet commença à peindre ses très grands formats comme des décors mais n’avait pas envisagé de salle d’exposition spécifique. C’est son ami Clemenceau qui eut l’idée de l’Orangerie lorsque Monet fit don à la France de l’ensemble. Le peintre décède quelques mois avant l’inauguration officielle en mai 1927. Le surréaliste André Masson avait surnommé l’Orangerie « la Sixtine de l’impressionnisme ».

Autour de l'exposition

Informations pratiques. « Le Jardin de Monet à Giverny », jusqu’au 15 août. Musée des Impressionnismes, Giverny. Du lundi au dimanche et du mardi au dimanche à partir du 15 juillet de 10 h à 18 h. Tarifs : 5,50 et 3 s. www.museedesimpressionnismesgiverny.com
Le jardin aux nymphéas. Voyage aux origines de la peinture impressionniste avec la visite de la maison de Claude Monet, à proximité du musée des Impessionnismes, où le maître recevait Renoir, Pissarro, Rodin ou encore Clemenceau, et de son jardin à la végétation luxuriante, source d’inspiration inépuisable pour l’artiste. On peut y voir tous les jours de l’année son premier et son dernier atelier, où ont été peints les Nymphéas, ainsi que la collection de 211 estampes japonaises de Monet, qui comporte des œuvres de Utamaro, Hokusai et Hiroshige.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°614 du 1 juin 2009, avec le titre suivant : Peintres-jardiniers

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