Paul Rousteau, en attendant l’été

Hyères (Var). En juillet 2018, Jean-Pierre Blanc propose à Paul Rousteau (né en 1985) une résidence à la villa Noailles, à l’heure où les plages accueillent les premiers vacanciers de l’été. « Ce serait beau d’illustrer ce bonheur à la plage », suggéra le directeur de la villa au photographe. Ce dernier a en tête le livre Les Grandes Vacances de Robert Doisneau qu’il aimait regarder enfant. C’est cette vision du bonheur des vacances des années 1930-1960 qu’il revisite soixante ans plus tard en glanant ses images sur les plages d’Hyères. Mais il n’est pas seul. Chaque été, pendant cinq ans, deux peintres dont il apprécie le travail sont invités à représenter leur propre vision de la plage.

La restitution actuelle à villa Noailles des différents travaux porte ainsi les couleurs vives des plages estivales. Elle égraine aussi les rencontres faites par Paul Rousteau et expose les nus qu’il a réalisés avec un modèle. Les corps sont dévoilés et les images expriment le bien-être, loin de la foule que peuvent connaître certaines plages l’été et qui ont fait un des terrains privilégiés de Martin Parr.

L’intérêt de Paul Rousteau est ailleurs, dans l’intime et dans le dialogue régulier que ce photographe de 39 ans entretient avec la peinture, la couleur et la lumière. On retrouve dans ses scènes de plage, de baignade ou dans ses nus les déformations du réel réalisées au moment de la prise de vue avec un filtre ou un bout de verre, trucage qu’il affectionne. La parenté de certaines photos avec l’impressionnisme, l’abstraction ou avec les approches du corps de Pablo Picasso ou Henry Moore est revendiquée, tout comme celle avec certains photographes.

Photographie ou peinture, l’accrochage lui-même sème le trouble. Les tableaux aux esthétiques distinctes des peintres invités (Thomas Lévy-Lasne, James Della Negra, Marcos Carrasquer, ou de Diane Dal-Pra) sont réussis. La scène de karting de Jean Claracq, le portrait au pastel de Paul Rousteau par Marion Bataillard et les dessins aux crayons de couleurs sur un carnet Moleskine de Jules Magistry (Paul à la plage de l’aube au crépuscule) apportent des notes légères.

L’exposition éclaire ainsi la démarche du photographe prisé par la presse et la mode. Un photographe qui pousse ses recherches jusqu’à l’intelligence artificielle – voir le débat actuel sur l’affiche du prochain Roland Garros, qu’il a « créée » comme un pastiche impressionniste d’un soleil surplombant la Seine à Paris, réalisée avec l’IA. Une première expérimentation de l’IA pour le photographe, qui n’est pas forcément du meilleur goût.