Art moderne

XXE SIÈCLE

Paul-Élie Dubois, le chemin vers la lumière

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 22 juin 2023 - 554 mots

La rétrospective consacrée à l’« ambassadeur du Hoggar » montre comment ce Franc-Comtois a trouvé son épanouissement en Afrique du Nord.

Montbéliard (Doubs). « L’Algérie fait de Paul-Élie Dubois un peintre original », écrit, dans le catalogue, sa biographe, Élisabeth Cazenave. L’exposition du Musée du château des ducs de Wurtemberg, riche de 220 œuvres et documents, permet de redécouvrir le fil de la carrière de ce peintre né en 1886 à Colombier-Châtelot, près de Montbéliard, et mort dans le même village en 1949. Si l’homme était profondément ancré dans son « Pays », comme il le nomme dans sa correspondance, cette unité de lieu est trompeuse : la commissaire, Barbara Gouget, directrice adjointe des musées de Montbéliard, a travaillé longuement avec la famille, qui conserve de nombreuses œuvres et archives et a fait des dons importants au musée, pour montrer comment il est devenu ce peintre dont le nom reste attaché à la lumière d’Afrique du Nord.

À Alger, la Villa Abd-el-Tif

Au commencement est le fils unique d’un couple aimant mais rigoriste. La famille est darbyste, du nom d’une branche du protestantisme anglican. Plus tard, Dubois sera impressionné par la sincérité de la foi musulmane : il n’est pas taillé pour l’orientalisme de pacotille mais pour la rencontre avec des populations attachées à leurs montagnes et à leur spiritualité. Avant 1914, il se cherche, entre académisme et liberté de touche, mais ses sujets sont conformes aux attentes du Salon : La Jeune Fille aux nattes ou la Robe rose (1913) lui rapporte un prix. C’est avec Printemps ou les Marguerites (1916) qu’il obtient, après la Première Guerre mondiale, son passeport pour la Villa Abd-el-Tif, à Alger.

S’il a été l’élève de Jean-Paul Laurens et de Fernand Cormon qui ont pu l’initier à un orientalisme assez convenu, il semble avoir surtout exercé son œil dans les musées et les expositions parisiennes. Avide d’avancer dans sa carrière, il saisit cette opportunité de travailler dans une lumière nouvelle sans soucis financiers. Accompagné de sa femme et de son jeune fils, il part donc pour cette « Villa Médicis africaine » et éprouve l’éblouissement. De ce séjour en 1920 et 1921 à la Villa, prolongé à Alger en 1922 et 1923, et des rencontres faites sur place avec des artistes et des collectionneurs, naissent deux très grandes toiles, Musiciens arabes et Paix dans la lumière (1923, [voir ill.]), présentées au Salon des artistes français en 1923. Grâce à elles, il obtient le prix national du Conseil supérieur des beaux-arts. Les prix, bourses, commandes et occasions de voyager ne se tariront plus.

Scènes de la vie touarègue

En 1928, Dubois s’engage dans la Mission scientifique du Hoggar. Il documente les habitants, les coutumes et les paysages de ce Sud algérien encore inconnu, créant des liens qui se prolongeront jusqu’à son dernier séjour, en 1948. Les portraits et scènes de la vie touarègue qu’il rapporte auront un succès considérable à l’exposition du centenaire de l’Algérie française, en 1929 à Paris. Notre époque est sans doute plus sensible à ses esquisses d’une profonde poésie, mais le peintre arrive à maturité dans de très grands formats, Guerriers touaregs (1928-1929) ou Touareg dans le Hoggar (1931), une monumentale illustration au fusain, à la gouache et à l’huile sur toile qui remporte un grand succès à l’Exposition coloniale de 1931. Désormais le Franc-Comtois aura le titre d’« ambassadeur du Hoggar », selon les termes de la presse de l’époque.

Paul-Élie Dubois. Itinéraire(s) d’un peintre voyageur,
jusqu’au 29 octobre, Musée du château des ducs de Wurtemberg, cour du château, 25200 Montbéliard.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°613 du 9 juin 2023, avec le titre suivant : Paul-Élie Dubois, le chemin vers la lumière

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque