Lutteurs Noubas, guerriers Masaïs, pasteurs Peuls, Indiens d’Amérique et chevaux au combat vont être pendant deux mois les étranges occupants du Pont des Arts. La mairie de Paris présente une rétrospective d’Ousmane Sow, 68 sculptures disposées sur la passerelle qui enjambe la Seine entre le Louvre et l’Institut de France. Grands récits épiques et succès populaire garanti.
PARIS - L’homme impressionne, c’est un géant d’un mètre quatre-vingt-dix à la fine barbe blanche. L’artiste, lui, étonne par son parcours et son travail. Avant 1987, on ne connaissait rien ou presque de la création d’Ousmane Sow, né à Dakar en 1935. Elle apparaît au grand jour lors d’une exposition au Centre culturel Français de la capitale sénégalaise. Il avait alors 52 ans, mais faisait de la sculpture son seul métier depuis deux ans seulement. Auparavant, kinésithérapeute, il pétrissait les corps dans son cabinet de Montreuil-sous-Bois et, entre deux clients, retournait à sa passion d’enfance. Celle-ci va prendre de plus en plus de temps et de place. Autodidacte, il ne dessine pas et travaille sans modèle. Il a inventé une “matière” dont il garde jalousement le secret et avec laquelle il recouvre les ossatures de fer, de paille et de jute, qu’il travaille jusqu’à ce que le corps, les muscles, le visage atteignent l’expression voulue. Si le résultat ne lui convient pas, il détruit l’œuvre.
En 1984 survient une étrange rencontre. Il découvre les images des Noubas du Sud Soudan réalisées par Leni Riefenstahl. L’Africain et la photographe allemande, qui a voué dans le passé son esthétisme à la glorification du régime nazi, partagent un culte pour l’effort et le corps, mais le premier ne sert aucune idéologie. Sow aime les corps puissants, les muscles saillants, les regards intenses... Il réalise donc sa première série, les lutteurs Noubas. Suivront quatre ans plus tard les guerriers Masaïs, puis les Zoulous, les Peuls... “J’ai voulu sortir de l’Afrique”, dit-il en expliquant le thème de la série inédite que les Parisiens vont découvrir : la bataille de Little Big Horn. Le 25 juin 1876, à la tête de la septième cavalerie, le général Custer attaquait Sioux et Cheyennes paisiblement rassemblés le long de la rivière Little Big Horn. Sitting Bull emmène femmes et enfants à l’abri, Gall et Crazy Horse regroupent leurs hommes et prennent en étau les assaillants. Les Indiens triomphent une dernière fois, avant d’être exterminés quatorze ans plus tard. “Une victoire pour rien”, souligne Ousmane Sow, qui relate ce récit épique en trente-cinq sculptures, vingt-quatre personnages et, pour la première fois, onze chevaux. Il en domine parfaitement l’anatomie et l’expression, alors qu’il peut se laisser emporter par une imagerie plus sentimentale pour dramatiser les soldats en déroute, les blessés, les cadavres. En 1996, parents et enfants se pressaient sur le Pont Neuf de Toulouse pour voir et toucher ses guerriers. La bataille de Little Big Horn devrait faire accourir les Parisiens, jour et nuit.
68 sculptures sur le Pont des Arts à Paris, du 20 mars au 20 mai.
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Ousmane Sow sur le pont
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°79 du 19 mars 1999, avec le titre suivant : Ousmane Sow sur le pont